Du 30 juin au 4 novembre 2018
UN GRAND MAÎTRE FLAMAND
Gaspar de Crayer (1584-1669) fut en son temps un peintre de renom dont la réputation fut encore vive de nombreuses années après sa mort. Une réputation qui s’explique par les innombrables projets qu’il s’est vu confier et par l’estime dans laquelle le tenait la Cour des régents espagnols, maîtres des Pays-Bas méridionaux. Sa renommée était telle que ses toiles ont figuré avec celles de Rubens, de Van Dyck et de Jordaens parmi les plus recherchées de Flandre lors des saisies révolutionnaires. Nombre d’entre elles ont d’ailleurs intégré les Collections publiques des musées français.
Jacob Neeffs, d’après Antoine Van Dyck Portrait de Gaspar de Crayer Gravure, 116 x 169 mm Anvers, musée Plantin-Moretus, inv. PK.OP.09163 © Musée Plantin-Moretus/Collection Prentenkabinet, Anvers - UNESCO Patrimoine Mondial
De Crayer fut un exemple pour des générations d’artistes… Au XIXe siècle, ses tableaux sont encore présentés dans la littérature artistique comme particulièrement représentatifs de la peinture baroque flamande. Mais avec le temps et l’évolution des esprits, moins enclins à célébrer l’Église et la foi, Gaspar de Crayer est tombé dans l’oubli. Il retrouve un réel éclat grâce à l’étude monographique publiée en 1972 par Hans Vlieghe qui cerne son rôle de la manière suivante « L’importance de Gaspar de Crayer dans les annales de l’art n’en demeure pas moins indéfectible. Il est le premier peintre à avoir diffusé à large échelle l’idiome baroque que Rubens a introduit aux Pays-Bas ».
Né à Anvers en novembre 1584 dans un milieu artistique - son père Gaspar de Crayer l’Ancien est maître d’école, enlumineur et calligraphe, actif dans le commerce de tableaux – Gaspar de Crayer a grandi dans l’univers de la Contre-Réforme. Les ateliers de Martin de Vos, des frères Francken et d’Otto van Veen travaillent alors activement pour répondre aux nombreuses commandes de retables pour les églises et les monastères, endommagés suite aux troubles de religion des années 1566-1585. C’est sans doute auprès de Raphaël Coxcie à Bruxelles que Gaspar de Crayer a fait son apprentissage avant d’être reçu franc-maître de la corporation de peintres, batteurs d’or et verriers de Bruxelles le 3 novembre 1607.
Son installation à Bruxelles, cité moins active qu’Anvers d’un point de vue artistique, semble avoir été motivée par les opportunités exceptionnelles pour un jeune peintre qu’offrait cette ville, résidence de la Cour, du gouvernement et des notables.
Dès le début de sa carrière dans les années 1620-1630, Gaspar de Crayer réalise le portrait des plus puissants dont celui du roi Philippe IV d’Espagne, des archiducs Albert et Isabelle, du marquis de Léganès, des bourgmestres bruxellois Frédéric de Marselaer et Hendrik van Dongelberghe. À partir de 1635, il oeuvre à la Cour des régents espagnols, d’abord peintre du cardinal-infant Ferdinand pour lequel il conçoit la Joyeuse entrée dans la ville de Gand cette même année puis de l’archiduc Léopold-Guillaume.
Gaspar De Crayer Portrait de Philippe IV d’Espagne en armure de parade Vers 1627-1630 Huile sur toile, New-York, The Metropolitan museum of Art, Bequest of Helen Hay Whitney, 1944, inv. 45.128.14 © New York, The Metropolitan museum of Art
Les premières oeuvres religieuses connues de Gaspar de Crayer de la fin des années 1620 sont réalisées à la demande des églises de Bruxelles mais également de celles de Courtrai, Bruges et Gand. L’artiste ne tarde pas à se faire une belle réputation parmi ses confrères bruxellois car il excelle dans les tableaux religieux de grand format, représentant les temps forts du Nouveau testament et la vie des saints dans un langage iconographique répondant aux préceptes de la Contre-Réforme.
Cette renommée débordera le milieu professionnel - il siège notamment au conseil communal de Bruxelles dans les années 1626-1627- et ne cessera de croître pour s’étendre jusqu’aux Pays-Bas septentrionaux, à l’Empire germanique et à l’Espagne.
En 1664, il s’installe à Gand où en raison de sa célébrité, il continue à recevoir de nombreuses commandes d’églises et de monastères locaux. Il y meurt cinq ans plus tard.
Gaspar de Crayer Job tourné en dérision Signé et daté en bas à droite : « GD CRAYER 1619 » 1619 Huile sur toile Toulouse, musée des Augustins
Les premières oeuvres de Gaspar de Crayer (entre 1610 et 1618) sont influencées par les peintres alors en activité à Bruxelles, Hendrik de Clerck dont le style fait écho à celui de Martin de Vos et Theodoor van Loon.
Peu avant 1620, le travail de Gaspar de Crayer évolue, faisant de plus en plus sentir l’influence de Rubens : les personnages deviennent encore plus monumentaux et les couleurs plus contrastées. De nombreux motifs et schémas de composition sont empruntés au maître. Une influence qui s’explique sans doute par la présence à Bruxelles de nombreuses oeuvres rubéniennes et par un contact certain avec l’atelier de Rubens.
Cette évolution apparaît également dans les portraits de l’artiste qui revisite notamment certains motifs rubéniens comme les chevaux des portraits équestres. Mais peu à peu l’influence d’Antoine van Dyck, revenu d’Italie en 1627, commence à poindre… Les deux grands portraits officiels de Philippe IV, celui du Palacio de Viana à Madrid et celui du Metropolitan Museum of Art de New York en sont une illustration parfaite. Hans Vlieghe note « Il semblerait donc que De Crayer ait été l’un des tout premiers peintres flamands à noter d’emblée la qualité hors pair des portraits de Van Dyck ». Les deux artistes se connaissaient certainement puisque Van Dyck a réalisé deux portraits de De Crayer durant la période 1627-1632. L’un est conservé dans la collection du Liechtenstein à Vienne, l’autre gravé par Paul Pontius figure dans son iconographie.
Le début des années 1630 marque une nouvelle évolution de son style qui mêle l’influence baroque de Rubens à l’expressivité émouvante de Van Dyck. Dix ans plus tard, dans les années 1638-1648, Gaspar de Crayer s’inspire à nouveau davantage de Rubens, en particulier dans ses oeuvres religieuses, en privilégiant une composition plus posée et équilibrée, comme on le voit dans La Pêche miraculeuse, s’intéressant via Rubens au travail de Titien et de Véronèse.
Cet intérêt pour l’art vénitien continue à se manifester dans les oeuvres des vingt dernières années de sa vie. En écho au triomphalisme de la Contre-Réforme, ses retables sont plus grands et plus colorés qu’auparavant, avec un nombre accru de personnages dans un style baroque flamboyant. Gaspar de Crayer revisite encore des motifs empruntés à Rubens et aux oeuvres tardives de Van Dyck. La sainte Famille avec le petit saint Jean-Baptiste de la Galerie des Offices à Florence et La Déploration du Christ du Kunsthistorisches Museum de Vienne en sont deux illustrations.
Gaspar de Crayer Le Martyre de sainte Catherine ca 1622 Huile sur toile Grenoble, musée des Beaux-Arts
Hans Vlieghe a pointé les emprunts ponctuels faits par De Crayer à Rubens dans ce tableau. La principale source d’inspiration est le retable de l’Érection de Croix, aujourd’hui à la cathédrale Notre-Dame d’Anvers. Le cavalier cuirassé qui ferme la composition, à gauche, constitue une forme de réplique à celui qui joue le même rôle, inversé dans le volet de droite du grand triptyque rubénien.
Avec son grand cheval pommelé, sa composition parfaitement balancée, son climat de quiétude et ses détails charmants, la toile de Grenoble mérite d’occuper une place parmi les tableaux d’autel les plus réussis du XVIIe siècle flamand. Il soutient sans conteste la comparaison avec Le Martyre de sainte Catherine peint par Rubens et son atelier vers 1615 pour l’église Sainte-Catherine de Lille, conservé au Palais des Beaux-Arts de Lille.
Gaspar de Crayer La Sainte Famille avec le petit saint Jean- Baptiste Probablement peint en 1653 Huile sur toile Florence, Gallerie degli Uffizi
C’est dans les vingt dernières années de sa carrière que Gaspar de Crayer a été le plus productif, à la fois parce qu’il a acquis une grande renommée mais également parce qu’il dispose d’un atelier regroupant apprentis et collaborateurs. Au nombre de ceux-ci, Lancelot Volders et Jan van Cleef qui aurait fait son apprentissage avec le maître à Bruxelles avant de le suivre à Gand.
L’organisation de cet atelier devait être bien rodée comme l’atteste la diversité des dessins dont seule une infime partie a été retrouvée. Des esquisses, très enlevées, premier acte de la création, aux modelli souvent mis au carreau, étape préalable à la réalisation, en passant par les ricordi qui pouvaient servir à la fois d’album pour les éventuels commanditaires et de modèle pour les répliques, c’est tout un processus qui permet d’appréhender l’activité soutenue de son atelier.
Gaspar de Crayer Portrait de Frédéric de Marselaer 1617 ? Huile sur toile, 103 x 79 cm Collection privée © Collection privée
Le Musée des Beaux-Arts de Gand (MSK Gent) prête cette année trois tableaux et une sélection de dessins du peintre Gaspar de Crayer au Musée de Flandre. Ils feront partie de l’exposition rétrospective Entre Rubens et Van Dyck, Gaspar de Crayer consacrée à l’oeuvre de ce maître injustement oublié de l’art baroque.
Le MSK profite de l’occasion pour mettre le peintre à l’honneur en ses murs et pour souligner le lien étroit qui l’unit à Gand. Dans le Forum du musée, quelques-unes de ses oeuvres, trop grandes pour faire le voyage jusqu’à Cassel, sont exposées dès la fin du mois de juin jusqu’en novembre, dans la présentation de collection Gaspar de Crayer et Gand. Un lien indissociable. La présentation est en même temps une invitation à la découverte de la ville, puisque plusieurs oeuvres de De Crayer sont encore présentes dans l’hôtel de ville et dans les églises gantoises : église Saint-Jacques et église Saint-Pierre, cathédrale Saint-Bavon.
Dès le début de sa carrière, Gaspar de Crayer reçoit des commandes de Gand. Ses oeuvres y trouvent leur place dans des églises, des couvents et à l’hôtel de ville. Après la Révolution française, plusieurs d’entre elles sont intégrées dans la collection de ce qui allait devenir le MSK. La réalisation la plus prestigieuse est sans nul doute la Joyeuse entrée pour Gand commandée à De Crayer en 1635 par le cardinal-infant Ferdinand.
En 1664, De Crayer s’installe à Gand avec son épouse pour une raison qui demeure inconnue. Malgré son grand âge, il continue à travailler pour ses clients religieux gantois. Il y réside jusqu’à sa mort en 1669 et sera enterré dans l’église des Dominicains aujourd’hui disparue avec, au-dessus de sa tombe, une Résurrection du Christ réalisée de sa propre main, probablement avec l’aide de son atelier.
Gaspar de Crayer Portrait de Philippe IV d’Espagne ca 1627-1628 Huile sur toile, 215 x 163 cm Madrid, Ministerio de Asuntos Exteriores y de Cooperacion, Gobierno de España, inv. 154642 © Ministerio de Asuntos Exteriores y de Cooperación, Gobierno de Espaňa
La présentation de collection De Crayer et Gand, un lien indissociable montre une sélection d’oeuvres de De Crayer dans le grand hall central, le forum du MSK. Parmi les pièces exposées, il y a des oeuvres monumentales au format impressionnant comme Le Jugement de Salomon (vers 1620-1622, tableau réalisé pour la salle de justice du château des Comtes) et des créations délicates comme la Vierge à l’Enfant adorée par plusieurs saints (tableau réalisé pour l’église du Grand Béguinage Sainte Élisabeth) et Le Couronnement de sainte Rosalie (tableau réalisé pour l’église des Jésuites d’Ypres).
Le talent de portraitiste de De Crayer apparaît clairement dans le noble Portrait de l’évêque Antonius Triest, le plus grand mécène de Gand. Et la Résurrection du Christ , l’oeuvre qui ornait originellement la chapelle funéraire de De Crayer, est également exposée ; le modello sera quant à lui visible au musée de Flandre.
Gaspar de Crayer Joachim et Anne avec la Sainte Vierge adolescente Signé et daté : « de Crayer fec Ao 1644 » Huile sur toile, 210 x 151 cm Recklinghausen, Kunsthalle, inv. II/5 © Recklinghausen, Kunsthalle
Gaspar de Crayer (1582-1669) Sainte Marie-Madeleine renonçant aux vanités du monde Huile sur toile Anvers, Fondation Phoebus © The Phoebus Foundation
BIOGRAPHIE en quelques dates
18 novembre 1584
baptême de Gaspar de Crayer en la cathédrale d’Anvers
3 novembre 1607
reçu franc-maître de la corporation des peintres, batteurs d’or et verriers à Bruxelles
– 1ère mention de Gaspar de Crayer à Bruxelles
17 février 1613
épouse Catharina Janssens en la cathédrale d’Anvers
1614 à 1616
doyen de la gilde des peintres à Bruxelles
1626-1627
membre du corps des magistrats municipaux de Bruxelles
À partir 1634
travaille à la cour des régents espagnols, au palais du Coudenberg, d’abord comme
peintre du cardinal infant Ferdinand puis de l’archiduc Léopold Guillaume
28 janvier 1635
rôle dans la décoration monumentale de la « Joyeuse entrée » à Gand du nouveau
gouverneur des Pays-Bas espagnols, le Cardinal-Infant Ferdinand
1664
s’installe avec son épouse à Gand, au numéro 16 de la Kammersstraat. Se fait inscrire
dans le registre de la guilde des peintres de la ville de Gand
1669
mort à Gand, inhumé le 27 janvier 1669 à l’église des Dominicains de Gand
Gaspar de Crayer L’Assomption en présence de la guilde des Arbalétriers de Bruxelles Pierre noire, plume et encre brune avec rehauts blancs, 230 x 240 mm Paris, Fondation Custodia, collection Frits Lugt, inv. 1993-T.6 © Paris, Fondation Custodia, collection Frits Lugt
Situé à Cassel, au sommet du mont de Flandre le plus élevé, le musée départemental de Flandre, bénéficie d’un cadre patrimonial, environnemental et touristique remarquable. Depuis sa réouverture en 2010, ses collections sont installées dans l’un des plus beaux bâtiments flamands du Nord-Pas de Calais, l’Hôtel de la Noble Cour.
Le musée de Flandre a pour ambition de valoriser la création artistique en Flandre, ce qui le rend unique. Le parcours, organisé par thématiques, favorise le dialogue entre oeuvres anciennes et créations contemporaines et permet au visiteur de découvrir la richesse et la diversité de la culture flamande du XVe siècle jusqu’à aujourd’hui, au-delà des frontières. Un parcours permanent sans cesse renouvelé, d’importantes expositions temporaires ainsi qu’une programmation culturelle variée font de ce musée un lieu vivant et dynamique.
Le musée de Flandre se veut accessible à tous. Il propose une programmation culturelle très riche : concerts, visites animées, visites contées, stages d’expression artistique… Le jeune public est particulièrement choyé avec des outils spécifiques comme les tapis d’éveil, les machines à rêves ou les ateliers de vacances. Le musée, labellisé Tourisme et handicap, mène une politique innovante d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap avec pour maître-mot l’autonomie : des maquettes tactiles accompagnées de textes en braille et en gros caractères jalonnent le parcours de l’exposition permanente. Le musée déploie un important dispositif de médiation adapté à chaque handicap (la visite en Langue des Signes et en audio-description est disponible sur le visio-guide). Il a reçu le premier prix Patrimoines pour tous à l’automne 2016.
En 2016, le musée départemental de Flandre a accueilli plus de 50 000 visiteurs, dont près du tiers sont de nationalité belge. Depuis son ouverture, le musée a eu à coeur de concevoir des expositions inédites et originales qui montrent l’extraordinaire inventivité des artistes flamands. Sa programmation consiste à sortir des sentiers balisés ; après les expositions Splendeurs du maniérisme en Flandre en 2013, Dans le sillage de Rubens, Érasme Quellin en 2014, La Flandre et la mer (déclarée d’intérêt national) en 2015, il a présenté deux expositions en 2016 : La cartographie ou le miroir du monde puis L’Odyssée des Animaux / Les peintres animaliers flamands du XVIIe siècle du 8 octobre au 22 janvier 2017, également reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication. En 2017, À poils et à plumes a mis à l’honneur la création belge contemporaine autour de l’animal.
HORAIRES D’OUVERTURE
Du mardi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 18h ; le samedi et le dimanche de
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