EXPOSITION
SAINT-DENIS - MUSÉE D’ART ET D’HISTOIRE
Un chef d’oeuvre dans ton salon ! Edmond Frapier ou les estampes de grands maîtres à portée de tous du 10 novembre 2017 au 5 mars 2018
Le musée d’art et d’histoire de Saint-Denis présente, du 10 novembre 2017 au 5 mars 2018, l’exposition. Un chef d’oeuvre dans ton salon ! Edmond Frapier ou les estampes de grands maîtres à portée de tous. L’exposition met en lumière la démarche de l’éditeur d’estampes Edmond Frapier (1878-1960) qui a cherché à favoriser l’accès du plus grand nombre aux oeuvres d’art. Actif à Paris pendant l’entre-deux-guerres, il édite sous le nom de la Galerie des Peintre-Graveurs les estampes des plus grands maîtres de son époque : Pierre Bonnard, Antoine Bourdelle, Maurice Denis, Aristide Maillol, Henri Matisse, Georges Rouault, Kees Van Dongen, Maurice Utrillo et Maurice de Vlaminck. Il crée un musée social à Nogent-sur-Marne et promeut les artistes français à l’étranger.
L’exposition se déploie :
- au rez-de-chaussée, dans la première salle du Chapitre, une salle d’introduction est consacrée à la présentation d’Edmond Frapier (photographies, dessins dont il est l’auteur, oeuvres de Daumier qu’il collectionnait, présentation de la Galerie des Peintres-Graveurs qu’il a fondée, focus sur son projet de diffusion qui aboutit à la création du musée social).
- la seconde salle du Chapitre évoque les différentes étapes de son travail d’éditeur, depuis la sollicitation des artistes jusqu’à la commercialisation des estampes, en passant par les corrections et l’impression. On y voit notamment des tirages annotés par les artistes, des certificats d’effaçage (épreuves qui témoignent du fait que les matrices sont rendues inutilisables afin que les estampes ne puissent plus être imprimées) et une presse de l’atelier Delâtre, imprimeur des cuivres d’Edmond Frapier dont le musée possède le fonds d’atelier.
- à l’étage, dans la salle de la Tribune de Mesdames, le public découvre les collaborations d’Edmond Frapier avec 5 artistes : Maurice Denis, Maurice de Vlaminck, Pierre Bonnard, Aristide Maillol et Georges Rouault.
Kees Van Dongen, Les Cheveux courts (Lithographie, 1924) musée d’art et d’histoire – Saint-Denis © ADAGP, Paris 2017 / Irène Andréani
Edmond Frapier, collectionneur, galeriste et aquarelliste
Edmond Frapier (1878-1960) marchand, collectionneur et aquarelliste à ses heures, fonde la Galerie des Peintres-Graveurs en 1901. On y trouve d’abord des estampes anciennes et contemporaines dont la galerie fait commerce. L’édition d’estampes, notamment celles des plus grands artistes français figuratifs, actifs pendant l’entre-deux-guerres, en constitue bientôt l’activité principale. Edmond Frapier sollicite les artistes qu’il admire, leur proposant parfois de venir découvrir sa riche collection de lithographies d’Honoré Daumier, et les invite à participer à ses projets d’édition.
Entre 1924 et 1935, ce sont près de deux-cents planches, principalement des lithographies, qui voient le jour. Il ne s’agit pas de diffuser des reproductions d’oeuvres existantes, interprétées par l’estampe, selon la tradition artistique occidentale qui permit autrefois à toute l’Europe de partager la connaissance de certains modèles. Edmond Frapier ne souhaite pas non plus rééditer des estampes existantes – à quelques exceptions près, dont celle, notable, de Toulouse-Lautrec, seul artiste dont Frapier réédite des épreuves de manière posthume après avoir racheté des pierres lithographiques. Son ambition est d’éditer des estampes originales, spécifiquement conçues par les plus grands maîtres de son temps.
Edmond Frapier est un amoureux de la lithographie. « Nous ne saurions, en ce qui nous concerne, nous dérober à la séduction d’une belle lithographie fleur de presse, oeuvre d’art direct, possédant le charme prenant et toute la saveur délicate d’un dessin », écrit-il. Serait-ce au contact de la collection de lithographies d’Honoré Daumier, héritée de son grand-père et qu’il complète par des acquisitions, qu’il a développé une passion pour ce médium ? Il s’inscrit dans la continuité d’un mouvement qui, depuis la fin du XIXe siècle, cherche à réhabiliter la lithographie d’art. C’est cette mission qu’il embrasse lorsqu’il décide de consacrer une publication à l’Histoire de la lithographie en France (1926). Seule la première partie, Les Peintres Lithographes de Manet à Matisse, constituée d’un portfolio d’estampes, voit finalement le jour. « Nous avons pensé que quelques estampes originales vous donneraient la curiosité et le goût de posséder l’oeuvre des artistes de notre époque », écrit-il dans la préface. Ce projet de publication traduit une volonté pédagogique – donner la curiosité et le goût – qui parcourt les différents projets d’Edmond Frapier.
La série d’albums monographiques Maîtres et Petits Maîtres d’Aujourd’hui (1924-1926) a pour ambition de faire connaître les artistes qu’il soutient auprès d’un public international. Les textes de la plupart des albums de cette série sont ainsi traduits en anglais, allemand, espagnol et même japonais. Il s’agit-là d’un engagement fort de l’éditeur, qui n’hésite pas à supporter les importants coûts de traduction que cela implique. L’objectif affiché par Edmond Frapier est avant tout humaniste, il s’agit d’apprendre au public à apprécier ses contemporains : « Puissiez-vous, ayant appris à les connaître, mieux aimer les hommes qui vivent et les oeuvres qui naissent sous nos yeux. »
La Galerie des Peintres-Graveurs ferme ses portes en 1935 et Edmond Frapier s’installe à Royan. Les 4 et 5 janvier 1945, la ville de Royan est bombardée par les alliés en vue d’écraser les défenses ennemies. Les collections d’Edmond Frapier, ses archives et les oeuvres qu’il a éditées font l’objet de destructions considérables. Le 18 juillet 1945, il écrit à Georges Rouault pour l’en informer : « J’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Plus de 66 pour cent des lithographies, que nous avions édité ensemble, ont été détruites au cours des bombardements de Royan du 5 janvier et des attaques des 14-15-16 Avril. J’arrive de Royan, bibliothèque, manuscrits, une grosse partie de mes collections gisaient sous notre maison en ruine. C’est un coup dur pour un homme de mon âge, perdre ainsi ce qui faisait le bonheur de sa vie. » Malgré ces circonstances, Edmond Frapier s’engage en faveur de la diffusion des oeuvres d’art par les musées : « A présent je m’occupe de faire renaitre le Musée de Royan et je pense offrir à ce Musée une collection complète des litho. et des eaux fortes que j’ai éditées. Vous y figurez pour 33 pièces en compagnie de Bonnard, Maillol, Matisse etc… », écrit-il dans la même lettre. Cinq ans plus tard, il fonde à Nogent-sur-Marne son propre musée, dont le nom, musée social, est programmatique.
La fabrique des éditions Frapier
Dès 1922, Edmond Frapier convainc Maurice Denis de contribuer à un projet de publication. L’année suivante, il écrit à Pierre Bonnard, ou encore à Antoine Bourdelle : « Je commence la publication d’une série de propagande d’Art Français à l’Etranger publiée en Français, Allemand, Anglais, Espagnol et Japonais, consacrée aux Maîtres d’Aujourd’hui. Les 1° fascicules comprennent MM. Maurice Denis, Marquet, Matisse, Vlaminck etc. J’aurais l’intention de consacrer un fascicule à vous-même, comme au Maître le plus représentatif de la sculpture moderne. Je vous expliquerai plus complètement de vive voix de quoi il s’agit. »
Edmond Frapier se charge de mettre à disposition des artistes un matériel de qualité. Un bon de livraison de deux pierres lithographiques destinées à Albert Marquet en 1925 révèle qu’il se fournit chez Navier fils en pierres lithographiques de Munich, ville où fut découverte la technique de la lithographie par Aloys Senefelder en 1796. De nature argilo-calcaire, elles étaient réputées pour leur pureté et furent utilisées par les lithographes pendant tout le XIXe siècle. Il précise, dans une missive adressée à Maurice Denis : « je vous ai fait expédier ce jour par messager une pierre lithographique. Si le grain de la pierre ne vous convient point vous pouvez me retourner la pierre 33 rue Victor Massé et je la ferai grener suivant vos indications.» Aux artistes travaillant en taille douce, ce sont des matrices en cuivre qu’il fournit, une fois planées, c’est-à-dire lissées. « Mon cher Frapier, écrit Vlaminck en 1925, Je reçois l’épreuve de la gravure. Il faut faire planer le cuivre.»
Lorsque les artistes lui remettent les matrices, Edmond Frapier les confie à des imprimeurs reconnus pour la qualité de leur travail : les ateliers E. Duchatel, pour l’impression lithographique et Eugène Delâtre, dont une presse est présentée dans l’exposition, pour l’impression de certaines tailles-douces, entre autres la série Visages des Maisons de Maurice de Vlaminck. Les tirages d’essai sont visés par les artistes qui formulent les corrections à effectuer, notamment en termes de choix des encres. Deux planches de Vlaminck ont ainsi conservé les annotations de leur auteur. Sur une épreuve de La Seine à Bougival qui nous est parvenue, on découvre ses indications de mise en couleur : pour le ciel, il souhaite du « bleu de prusse », pour le sol, de la « laque verte foncée en laissant les noirs ». Sur une épreuve de L’Arbre Vert, il demande la correction des couleurs utilisées : « donner plus de lumière » ici, « augmenter le brun » là. Le tirage définitif permet de constater que les souhaits de l’artiste ont été scrupuleusement respectés.
Pierre Bonnard, Le Bain (Lithographie, 1925) musée d’art et d’histoire – Saint-Denis © ADAGP, Paris 2017 / Irène Andréani
Si les épreuves en couleur restent rares – seuls Vlaminck et Utrillo en produisent – les épreuves en bistre, ocre ou sanguine nécessitent également un choix d’encre minutieux. « Monsieur Frapier, j’ai bien reçu votre envoi, je me hâte de vous donner mon avis. Le ton de bistre qui me convient est celui de la Maternité à la fenêtre et même un peu plus foncé si c’est possible. Les autres sont ou trop rouges ou trop pâles. Je pense que vous n’avez pas besoin que je vous renvoie les épreuves, je les garde comme états. Vous pouvez faire le tirage convenu dans le ton indiqué ci-dessus (une idée plus foncée) ». Certaines compositions sont imprimées avec des encres différentes. Celles-ci ne restent pas toujours au stade d’essais, et les publications qui en découlent donnent parfois à voir plusieurs versions d’une même composition. Ainsi, le volume de Maîtres et Petits Maîtres consacré à Maurice Denis (1926) propose, dans sa série A, deux versions de chaque planche, en noir et en bistre ou sanguine. Les planches réunies au sein d’un même exemplaire de l’album présentent des encres variées, la qualité des papiers – Chine, Japon, vergé et autres – diffère également d’une épreuve à l’autre.
A partir de 1925, chaque état est minutieusement identifié à l’aide d’un cachet dont la signification est donnée dans le catalogue de la Galerie des Peintres-Graveurs de 1926.
Le tirage est déterminé en amont par l’éditeur et l’artiste, qui distinguent parfois une édition amateur, c’est-à-dire plus luxueuse, d’une édition populaire, à plus grand tirage, destinée à être diffusée à un prix plus modeste. Les planches, vendues indépendamment ou en album, sont numérotées une à une par une inscription manuscrite, et signées. Une fois le tirage défini atteint, la matrice est biffée afin d’empêcher une réimpression illicite. Les certificats d’effaçage, épreuves qui témoignent du fait que les matrices sont rendues inutilisables, sont transmis aux auteurs.
Si le prix de vente des albums et épreuves varie selon la qualité des papiers et les coûts d’écriture et de traduction des textes, il va parfois du simple au double en fonction de l’acquéreur. Faut-il y voir une stratégie commerciale ? Sans doute. Mais peut-être peut-on l’entendre aussi comme l’expression d’une volonté de diffusion plus large, une passion mise en partage. Pierre Bonnard, Le Bain (Lithographie, 1925) musée d’art et d’histoire – Saint-Denis © ADAGP, Paris 2017 / Irène Andréani Pierre Bonnard, Certificat d’effaçage (Le Bain) (Lithographie, après 1925) Collection particulière © ADAGP, Paris 2017 / Irène Andréani
La liberté du lithographe
Si les projets d’Edmond Frapier suivent une ligne bien définie, qui garantit la cohérence de l’ensemble, l’éditeur laisse une grande liberté aux artistes qu’il convie à participer, tant sur les thématiques abordées que sur la forme de leurs compositions, qui reflètent la diversité des effets permis par la technique de la lithographie : « nous leur avons laissé le choix de leur sujet et de leur mode d’expression », écrit-il dans la préface de son ouvrage sur Vlaminck. Cette liberté porte également sur le choix des auteurs des textes sur les artistes auxquels il consacre un ouvrage.
Aristide Maillol, Femme vue de dos (Lithographie, 1926) musée d’art et d’histoire – Saint-Denis © Irène Andréani
Le musée social
Au lendemain de la Libération, Edmond Frapier s’installe à Nogent-sur-Marne. Le projet qu’il évoque dans sa correspondance dès les années 1920 trouve alors son aboutissement : il y crée un musée ouvert au plus grand nombre avec un souci pédagogique et didactique. L’objectif assigné à ce musée est voisin de celui de la Société Historique et Archéologique de Nogent-sur- Marne et de son canton dont Frapier fut le vice-président : « faire connaître l’ensemble des éléments : administratifs ; culturaux (Arts – Lettres – Sciences) ; culturels ; économiques ; sportifs ; sociaux constituant la vie des habitants de la Ville de Nogentsur- Marne et témoignant de ses activités et de son évolution ». Mais il s’en distingue aussi avec la constitution aux côtés du musée social d’un cabinet des estampes qui est organisé en six sections : la première représente Nogent, les bords de Marne et l’Ile-de-France, une section est consacrée aux oeuvres du peintre Watteau, mort à Nogent en 1721, une autre encore aux peintres et graveurs dont il a édité ou collectionné des oeuvres (Van Dongen, Toulouse-Lautrec, Rouault...). L’étude des techniques de la gravure et l’analyse du timbre-poste (timbrologie) forment deux autres sections pratiques. Enfin, une bibliothèque technique forme une dernière section. Doté d’un catalogue consultable à la bibliothèque municipale, le musée social de Nogent a une vocation pédagogique, théorique et pratique à destination de la jeunesse. Le musée est installé au domicile des Frapier, 3 rue de Bapaume. Le pavillon de la famille ne pouvait accueillir un musée d’une grande ampleur. Pour autant, les collections présentées dans des cadres étaient accessibles aux enseignants et à leurs élèves. La mort d’Edmond Frapier le 25 août 1960 marque un coup d’arrêt à cette expérience. On ne retrouve en effet plus aucune trace du musée social passée cette date. Toutefois, l’idée d’un musée n’est pas abandonnée. Louis Vel-Durand reprend alors le concept qu’il modifie permettant l’ouverture d’un nouveau musée l’année suivante : le musée du Vieux Nogent. Les collections du musée social ont partiellement intégré le musée fondé par Louis Vel-Durand en 1961. On retrouve en effet dans les collections de l’actuel musée de Nogent-sur-Marne des gravures et des estampes avec la marque du musée d’Edmond Frapier : « N/M » pour Nogent-sur-Marne.
Extraits de l’article de Vincent Villette publié dans le catalogue de l’exposition.
Edmond Frapier et les artistes : Maurice de Vlaminck, Maurice Denis,Pierre Bonnard, Aristide Maillol, Georges Rouault
Maurice de Vlaminck
En 1924, le premier album de la série Maîtres et Petits Maîtres d’Aujourd’hui, publiée par Edmond Frapier, est consacré à Maurice de Vlaminck (1876-1958). Une préface écrite par l’éditeur précède un texte de Léon Werth, une aquatinte et trois lithographies représentant les environs de Valmondois où l’artiste a établi son atelier. Vlaminck qui, jusqu’au tournant des années 1920 n’avait gravé que le bois, expérimente avec Frapier les ressources de la gravure sur cuivre et de la lithographie en couleurs. Les premiers cuivres de Vlaminck paraissent aux éditions Frapier en 1923. Le tirage des dix eaux fortes et pointes-sèches de la série Visages des Maisons, éditée en 1927, est confié à la maison Delâtre spécialisée dans l’impression en taille-douce. Maurice de Vlaminck a été particulièrement prolifique ; entre 1923 et 1927, quarante-quatre de ses estampes paraissent aux éditions de la galerie. L’artiste est aussi un des seuls à avoir fourni à Edmond Frapier des cuivres et des lithographies en couleurs. En cela, les planches de Vlaminck constituent un corpus à part dans les éditions Frapier.
Maurice Denis
Maurice Denis (1870-1943) et Edmond Frapier se sont certainement rencontrés à Saint-Germain-en Laye où ils résidaient tous deux avant que l’éditeur ne déménage à Paris en 1918. En 1922, Frapier le sollicite une première fois pour l’album de lithographies Les Peintres Lithographes de Manet à Matisse. Denis réalise une estampe représentant sa famille sous une treille au milieu des collines de Fiesole. La lithographie, intitulée La Terrasse, évoque plusieurs peintures de l’artiste réalisées en 1907. Denis utilise l’estampe comme un prolongement de son activité picturale et assure par ce medium la diffusion des sujets qu’il affectionne. En 1925, Denis et Frapier travaillent à l’élaboration de l’album dédié à l’artiste pour la série Maîtres et Petits Maîtres d’Aujourd’hui. Le portfolio composé de quatre lithographies précédées d’un texte de Maurice Brillant est édité en deux suites ; l’une « amateur » à vingt-cinq exemplaires avec deux états des planches, en noir et en bistre, et l’autre de cent exemplaires avec un seul état. Denis écrit ses instructions à Frapier quant à la tonalité des tirages à adopter : « Le ton de bistre qui me convient est celui de la Maternité à la fenêtre et même un peu plus foncé si c’est possible. ». Le thème de la maternité - pour lequel Denis met, selon les termes de Frapier, « tant de douce sensibilité et d’amour » - est particulièrement cher à l’artiste ; on le retrouve dans trois lithographies parues aux éditions de la galerie. L’Enfant au Coquetier, édité séparément en 1927, marque la fin de la collaboration entre l’artiste et l’éditeur.
Maurice Denis, Maternité à la fenêtre ouverte (Lithographie à la sanguine, 1926) musée d’art et d’histoire – Saint-Denis © ADAGP, Paris 2017 / Irène Andréani
Pierre Bonnard
À l’automne 1923, alors qu’il séjourne dans la villa Hirondelle au Cannet, Pierre Bonnard (1867-1947) répond à l’invitation d’Edmond Frapier : « J’habite le midi en ce moment et reviendrai à Paris pour quelques temps au commencement dejanvier. Je serai à votre disposition pour causer de vos projets, s’il n’est pas trop tard ». Cette lettre signe le début d’une collaboration qui aboutit à l’édition de treize lithographies entre 1925 et 1928. Afin de s’éviter la manipulation difficile des pierres lithographiques, Bonnard propose à Frapier de travailler sur papier report « qu’on peut, dit-il, faire voyager plus facilement. » Quand Frapier sollicite Bonnard, il y a presque vingt ans que le peintre s’est écarté de la lithographie. Au tournant du XXe siècle, Bonnard délaisse le procédé au profit de la peinture. La commande de Frapier d’une dizaine de planches relance son activité de lithographe. En 1925, quatre d’entre elles paraissent aux côtés d’un texte de Claude Roger-Marx dans l’album de la série Maîtres et Petits Maîtres d’Aujourd’hui ; une cinquième, Le Bain, est publiée peu de temps après dans l’album Les Peintres Lithographes de Manet à Matisse. La même année, alors que l’artiste est alité, Frapier lui apporte une pierre lithographique pour le distraire dans sa convalescence. Bonnard y dessine La Rue Molitor qu’il aperçoit de sa fenêtre. La lithographie intitulée La nuit tombe sur l’Esterle, réalisée en 1927- 1928, compte parmi les dernières de l’artiste parues aux éditions Frapier.
Aristide Maillol
Quand Edmond Frapier contacte Aristide Maillol (1861-1944) au début des années 1920, l’artiste jouit d’une reconnaissance importante auprès du public. Loin est le temps de ses premiers bois et lithographies des années 1890, à l’époque où il fréquentait le cercle des Nabis. À l’instar de Bonnard et Denis, Maillol reprend le crayon lithographique à la demande de Frapier, après s’être tu pendant plusieurs années. Il donne à l’éditeur dix-sept lithographies dont quatre sont publiées en 1925 dans l’album des Maîtres et Petits Maîtres d’Aujourd’hui pour lequel Marc Lafargue écrit le texte introductif. L’album est le deuxième de la série à paraître après celui consacré à Vlaminck. Entre 1926 et 1928, douze lithographies de l’artiste sont éditées en planches isolées et une, Femme debout, vue de dos, est présentée dans l’album de lithographies Les Peintres Lithographes de Manet à Matisse. Les compositions sont simples, centrées sur des nus sculpturaux aux formes voluptueuses. Maillol, « fils de la Méditerranée », puise ses références dans la Grèce antique. Entre déesse et modèle, Femme accroupie, vue de dos reflète un idéal classique et méditerranéen proche d’une « Aphrodite au bain » hellénistique.
Georges Rouault
« Enfant, face à face avec la réalité, je fus d’abord à l’école de Daumier avant d’avoir connu Raphaël », écrit Georges Rouault (1871-1958) dans ses Souvenirs intimes. L’invitation d’Edmond Frapier à découvrir sa « collection Daumier » en 1925 marque le début d’une fructueuse collaboration aboutissant à l’édition de trente-cinq lithographies sur une période de sept ans. Frapier est un fervent admirateur de Rouault, en tant que collectionneur comme en tant qu’éditeur. « Osez Rouault. Osez aller au-delà du chevalet et de l’album lithographique vous êtes plus grand que cela », lui écrit-il en 1930. Les premières planches de Rouault paraissent dans les albums Les Peintres Lithographes de Manet à Matisse et Maîtres et Petits Maîtres d’Aujourd’hui, suivis de près par l’édition de l’ouvrage Souvenirs intimes dans lequel Rouault rend hommage aux personnalités qui l’ont guidé. Frapier nourrit également le projet de publier une suite d’albums constitués chacun d’une douzaine de lithographies de l’artiste. Le catalogue de la galerie, paru en 1926, présente une première série de Rouault intitulée Pitreries. Entre 1926 et 1932, le projet se voit constamment remanié et allégé par l’artiste qui, dépassé par ses engagements, ne trouve pas le temps de travailler les planches. Deux séries naissent finalement du projet initial ; elles sont annoncées, dans le feuillet publicitaire de la galerie daté de 1932, sous les titres Saltimbanques et Grotesques. L’Âne (Aliboron) fait partie de l’une de ces séries, qui marquent la fin de la collaboration de Georges Rouault et Edmond Frapier.
Le programme culturel autour de l’exposition
Visites commentées
jeudi 16 novembre / 18h
vendredi 26 janvier / 16h
samedi 27 janvier / 17h
Tarif 8 euros
Réservation sur tourisme93.com
Jeudi 14 décembre / 18h30
Concert Musée, ma muse
La trace
En résonance avec l’exposition, les élèves et professeurs du Conservatoire de Saint-Denis proposent un concert autour du thème de la trace. Quelle empreinte est laissée par la musique ? Sons en mémoire, écritures, enregistrements...
Entrée libre
Dimanche 19 novembre / 15h30
Balade-atelier en famille Petite fille deviendra grande Bébés, fillettes, jeunes filles en fleurs, femmes actives, mères allaitant, pouponnant, embrassant : la femme, à tous les âges, est un sujet d’inspiration pour les artistes, même modernes. A travers un choix de gravures et de lithographies exposées dans l’exposition, vos enfants auront un aperçu de l’art de Maurice Denis, Aristide Maillol, Henri de Toulouse- Lautrec et Georges Rouault. Sauront-ils donner à vos enfants l’envie de grandir et de créer ?
Tarif 3 euros pour tous
Inscription au 01 42 43 37 57
Vendredi 15 décembre / 14h30
samedi 16 décembre / 15h
Visites-ateliers démonstration Foire des Savoir-faire Lors de la Foire, une dizaine de d’artisans des métiers d’art proposent des ateliers pour faire découvrir et expérimenter leurs techniques et créations. Au musée, après une visite de l’exposition avec un médiateur, l’artiste Vincent Croguennec, membre du collectif la Briche foraine à Saint-Denis, vous propose un atelier d’initiation à la gravure.
Entrée libre
Inscriptions 01 42 43 37 57
Jeudi 18 janvier / 14h à 17h
Masterclass Catalogue Manifestampe est un organisme national qui fédère tous les métiers de l’estampe en France depuis 13 ans dans la perspective de valoriser l’art de l’estampe. La
fédération organise régulièrement des sessions Masterclass, s’adressant à des artistes pratiquant les techniques de l’estampe. L’objectif est de permettre un échange de haut niveau entre personnes qui souhaitent approfondir leur pratique de l’estampe. A l’occasion de l’exposition, Manifestampe et le musée s’associent pour proposer une Masterclass au musée, suivie d’une visite commentée de l’exposition. Nombre de places limité Réservé aux professionnels adhérents de Manifestampe
Réservation à contact@annepaulus.fr ou manifestampe.org
Mercredi 24 janvier 2018 / 1ère visite à 14h, deuxième visite à 15h
Visites inédites suivies d’une démonstration de fonctionnement d’une presse des ateliers de chalcographie de la Réunion des Musées nationaux - Grand Palais
Réservation tourisme93.com
Mercredi 10 janvier / 14h30
Atelier de restauration Et voilà le travail ! Dans le cadre des rencontres liées au monde
du travail, le Comité départemental du tourisme de la Seine-Saint-Denis (CDT) et le musée d’art et d’histoire organisent une visite sur la conservation préventive et la restauration d’oeuvres sur papier. Vous assisterez en direct à des traitements de restauration d’oeuvres d’art sur papier (dessins, estampes).
Tarif 8 euros
Le musée d’art et d’histoire de Saint-Denis
Fondé en 1901, le musée d'art et d'histoire de Saint-Denis est installé depuis 1981 dans le cadre plein de charme d'un carmel du XVIIème siècle. Il conserve près de 40 000 oeuvres, consacrées notamment à l'archéologie médiévale, au Siège et à la Commune de Paris (1870-1871) et au poète Paul Eluard (1895-1952). Le monastère des Carmélites dont le bâtiment abrite aujourd'hui le musée fut fondé en 1625. En 1770, alors que le Carmel connaît une grave crise financière, l’arrivée d’une illustre pensionnaire sauve le couvent de la saisie : il s'agit de Madame Louise de France, septième fille de Louis XV. Le roi rend dès lors visite à sa fille au Carmel de Saint-Denis de nombreuses fois. Avec l’appui de son père, Madame Louise y entreprend de nombreux travaux, et fait notamment construire une superbe chapelle par Richard Mique, architecte de la Cour et auteur du Trianon à Versailles. Cette chapelle, classée monument historique, est représentative de la transition hellénisante précédant le style néo-classique proprement dit. De 1895 à 1993, la chapelle sert de tribunal d’instance, ce qui explique la présence de l’inscription Justice de Paix sur le fronton. Restituée à la ville après restauration, elle accueille désormais des expositions temporaires et autres manifestations culturelles. Tout a été mis en oeuvre pour respecter l’architecture originelle du bâtiment : le cloître jalonné des pierres tombales des religieuses, les cellules austères, et surtout les sentences mystiques qui accompagnent le visiteur tout au long de son parcours.
Les principaux fonds :
• Carmel : peintures, ornements liturgiques, reconstitution de la cellule qu’occupa Louise de France, objets de la vie quotidienne, autant d’éléments qui témoignent de l’histoire d’une communauté vouée au silence.
• Hôtel-Dieu : de l’Hôtel-Dieu de Saint-Denis, construit en 1713 par Pierre Bullet, architecte du Roi, subsiste une remarquable apothicairerie (XVIIIème siècle), dont les pots en faïence de Saint-Cloud, Nevers et Rouen sont admirablement conservés.
• Archéologie médiévale : l’opulence du bourg de Saint-Denis au Moyen Âge, son artisanat florissant et son ouverture sur le monde sont à découvrir à travers des objets archéologiques uniques (bonnet en byssus du XIVème siècle, jeu de table du XIIème siècle), ou pittoresques (patin à glace, poulaine, enseignes de pèlerinage, couvre-feu).
• Le Siège et la Commune de Paris (1870-1871) : peintures, photographies, gravures, objets et sculptures racontent l’histoire de cette tentative de révolution sociale depuis ses origines dans la Guerre de 1870 jusqu’à sa postérité au XXème siècle.
• Paul Eluard (1895-1952) : manuscrits, livres d’artistes, photographies, peintures et sculptures
témoignent du génie poétique d'Eluard, de ses partis pris surréalistes, de ses amitiés (Pablo Picasso, Max Ernst, Man Ray, Dora Maar, Valentine Hugo ou encore André Breton), de son amour de l’art et de ses engagements pour la paix et la liberté. Ce fonds s’est constitué à partir de 1951, date des premiers dons de Paul Eluard à sa ville natale.
• Francis Jourdain (1876-1958) : l’élégant fauteuil Virgule, la reconstitution d’agencements intérieurs et les meubles interchangeables montrent l’esthétique radicalement moderne de ce créateur d’intérieurs et de mobilier, pionnier français du courant artistique fonctionnaliste.
• Albert André (1869-1954) : les scènes de genre et paysages de ce peintre né à Lyon en 1869, qui fut l’ami de Renoir, Bonnard et Vuillard, s’inscrivent dans une tradition figurative, claire et sensible.
• Industries et paysages de Saint-Denis : au XIXème siècle, Saint-Denis est renommé pour son industrie et ses paysages. Piano Pleyel, verreries Legras et mosaïques rappellent le rayonnement international d’une production luxueuse, tandis que des artistes comme Camille Corot, Gustave Caillebotte, Giuseppe Canella, Charles-François Daubigny immortalisent la ville, sa basilique, ses moulins, ses cours d’eau.