Damien HIRST Eternal Sleep 2017 Cristal, corian, édition à 35 exemplaires © Damien Hirst, Science Ltd and Lalique. All rights reserved, DACS/ ADAGP Paris 2018
PRISME
QUAND LE CRISTAL LALIQUE RENCONTRE L’ART CONTEMPORAIN
au Musée Lalique, à Wingen-sur-Moder
Fleuron de la cristallerie française, Lalique rayonne aujourd’hui au niveau international. Parmi les axes de développement, les éditions d’art occupent une place de choix. Depuis 2011 en effet, Lalique Art met le savoir-faire exceptionnel des artisans de la Maison au service d’artistes et designers contemporains. Jeux de lumière, de transparence et de couleur subliment ces créations, tandis que les artistes extérieurs apportent à la fois un nouveau regard et un souffle original.
Si le verre suscitait déjà la fascination à l’aube des temps, dès la fin du XIXe siècle il est de plus en plus considéré comme un médium artistique. Bijoutier d’avant-garde, René Lalique est très tôt séduit : Le verre est la matière merveilleuse. (…) [Il est] le prétexte plastique incomparable entre les mains de l’artiste ingénieux et fournit à son imagination et à son talent un champ d’activités et de découvertes presque sans borne. Le maître verrier utilisait la technique de la cire perdue, procédé millénaire également utilisé pour fondre les bronzes, pour créer des objets d’art, pièces uniques ou de toute petite série. Ces oeuvres prestigieuses, fascinantes et rares, sont aujourd’hui particulièrement recherchées.
S’inscrivant dans l’esprit du créateur de la Maison, Lalique Art a renoué avec cette technique sophistiquée, tout en utilisant en parallèle le soufflage et le moulage, pour éditer des oeuvres d’exception. Ainsi, des pièces d’Yves Klein ou Rembrandt Bugatti ont trouvé un nouvel élan en changeant de matérialité. Les lignes des architectes Zaha Hadid et Mario Botta ont donné vie à des vases et à des coupes. L’imaginaire du plasticien Anish Kapoor s’est lui aussi nourri de la magie du cristal. Le peintre Terry Rodgers a réinterprété l’iconique vase Bacchantes, créé par René Lalique en 1927. Damien Hirst, quant à lui, a conçu une série de sculptures interrogeant sur le cycle de la vie.
Du 27 avril au 4 novembre 2018, le musée Lalique met en lumière les oeuvres extraordinaires issues de la rencontre entre le cristal Lalique et des artistes contemporains. Par le prisme de ces oeuvres à la fois singulières et remarquables, l’exposition donne à percevoir l’univers de leurs créateurs tout en soulignant l’extraordinaire savoir-faire de la Maison Lalique.
Yves KLEIN Victoire de Samothrace 2011 H. 495 mm Cristal moulé à cire perdue, édition limitée à 83 exemplaires © Succession Yves Klein et Lalique c/o ADAGP, Paris, 2018
Naissance : 1928, Nice
Décès : 1962, Paris
Profession : Peintre
OEuvres présentées : Victoire de Samothrace et La Terre Bleue
PARCOURS
1944-1946 : études à l’Ecole nationale de la marine marchande et à l’Ecole nationale des langues orientales à Nice
A partir de 1947 : s’intéresse au judo, comme méthode d’éducation intellectuelle et morale visant à la maîtrise de soi,
et deviendra ceinture noire 4e dan
1949 : premières expériences picturales
1955 : première exposition d’oeuvres monochromes
1956 : crée l’IKB – International Klein Blue – qui est pour lui la plus parfaite expression du bleu, symbole de la matérialisation de la sensibilité individuelle, étendue infinie et immédiate.
1962 : décède d’une crise cardiaque, quelques mois après son mariage avec une jeune artiste allemande, Rotraut
Uecker.
INSPIRATIONS
La fascination d’Yves Klein pour le bleu remonte à l’adolescence où il était émerveillé par le ciel et la mer Méditerranée, une fascination confortée par les peintures de Giotto. En choisissant une seule couleur pour recouvrir entièrement une toile, il cherche à éviter d’introduire dans la peinture un élément qui lui est extérieur, comme l’interprétation psychologique d’une forme. Mais, surtout la couleur est pour lui, le moyen d’atteindre la sensibilité. L’IKB, qu’il fait breveter en 1960, est un bleu profond, un outremer saisissant, à la fois mat et brillant, né du mélange d’une résine synthétique au pigment bleu. A partir de ce bleu à la fois profond et lumineux, il va créer, durant sa courte carrière artistique, de nombreuses oeuvres d’art poétiques et tout à fait novatrices, autour des thèmes du visible, de l’invisible et de l’infini.
YVES KLEIN ET LALIQUE
Outre ses fameux monochromes, le fameux IKB inspirera à Yves Klein une Sculpture Aérostatique - lâcher de 1001 ballons, des Reliefs Eponges, des Anthropométries - empreintes de corps de femmes nues et enduites de couleur bleue sur des toiles blanches, des Cosmogonies – réalisées à l’aide de phénomènes atmosphériques et d’éléments naturels, des moulages grandeur nature de membres du groupe Nouveaux réalistes, dont Arman. Klein considérait qu’il faut retourner au travail comme les artisans du Moyen Age, et faire les choses avec goût et plaisir, avec raffinement et joie de créer, chacun dans sa spécialité, du solide, du bon, du meilleur encore, avec un acharnement d’artiste à la recherche de la perfection absolue, inégalable et permanente. Forts de cette philosophie, les Archives Klein et Lalique Art se sont rapprochés pour éditer en 2011 la Victoire de Samothrace et quatre ans plus tard La Terre Bleue. Renouant avec la technique de la cire perdue, chère à René Lalique, avec la Victoire de Samothrace, la Maison met également au point une formule au dosage jalousement conservé, à base d’oxydes de cuivre et de cobalt, pour obtenir ce bleu outremer si caractéristique. La Victoire et La Terre bleue sont illuminées par l’éclat et l’intensité du cristal bleu Klein. La magie de la matière, les jeux d’épaisseur et de contraste subliment véritablement ces oeuvres qui sont non seulement des oeuvres d’art exceptionnelles, mais également de véritables prouesses techniques.
Yves KLEIN La Terre bleue 2015 H. 338 mm Cristal moulé à cire perdue, édition limitée à 100 exemplaires © Succession Yves Klein et Lalique c/o ADAGP, Paris, 2018
Rembrandt BUGATTI Elephant dansant d’après l’Elephant dressé, 1904 2014 H. 180 x L 75 x l. 35 mm Cristal moulé à cire perdue, édition numérotée et signée © Lalique SA
Naissance : 1884, Milan
Décès : 1916, Paris
Profession : sculpteur animalier
OEuvres présentées : L’Eléphant dansant, le Loup d’Egypte couché, la Lionne couchée baillant
PARCOURS
Fils du décorateur et architecte Carlo Bugatti, Rembrandt devient très jeune apprenti artisan dans la plus pure
tradition italienne. Il apprend le travail manuel sous toutes ses formes : bois, pierre, métal, art du moulage en plâtre, modelage en plastiline
1902 : s’installe à Paris et fréquente assidument le Jardin des Plantes
1904 : signe un contrat d’édition avec le fondeur d’art, Hébrard qui l’expose dans sa galerie
1906 : le directeur du zoo d’Anvers, alors considéré comme le plus grand du monde, met un atelier à sa disposition
1910 : obtient la Légion d’Honneur
1911 : la galerie Hébrard présente une collection de 100 de ses sculptures
1916 : les horreurs de la guerre et la privation du contact des animaux tués pour des besoins alimentaires, conduisent Rembrandt, d’un naturel mélancolique et atteint de tuberculose depuis quelques années déjà, à se suicider.
INSPIRATIONS
Littéralement envoûté par le monde animal, sa rencontre avec les lions, les lionnes, les panthères, les léopards, les jaguars, les loups, les vautours, les éléphants… va bouleverser le jeune sculpteur. Pendant quinze ans, Bugatti va vivre avec eux pour les observer longuement, pour sculpter leurs morphologies, leurs attitudes, leurs comportements, leurs signaux, leurs sonorités, chacun dans son monde sensoriel. Son oeuvre procède entièrement de ce contact journalier, de ce dialogue, de cette communion avec les animaux. La rapidité d’exécution lui permet de réaliser une oeuvre réaliste, puissante et pleine d’émotion.
REMBRANDT BUGATTI ET LALIQUE
Sans repère ni mesure, sans esquisse préparatoire et sans utiliser la photographie comme auxiliaire, Rembrandt Bugatti modèle la plastiline à main libre. Sa dextérité et sa rapidité d’exécution permettent de traduire le monde animal de manière précise et pleine de vie, d’autant plus que toutes les traces des gestes de modelage son conservées. Le critique d’art Marcel Horteloup souligne : On sait avec quels jeux de lumière, par quelles recherches des éclairages, l’artiste arrive à créer l’illusion en distribuant habilement les clartés et les ombres. (…) Ces préoccupations font de Bugatti un fervent adepte du merveilleux procédé de la cire perdue, le seul qui transcrive dans le bronze avec une exactitude aveugle l’oeuvre d’art sortie des mains mêmes de l’artiste. C’est à ce procédé, mot bien barbare quand il s’agit de désigner un moyen de transcription industrielle qui s’élève jusqu’à la dignité d’un art, que Bugatti confie les oeuvres qu’il juge dignes de fixer définitivement. Près d’une centaine d’années après sa mort, la Maison Lalique édite en cristal, également selon la technique de la cire perdue, d’après des bronzes ou plâtre originaux, le Loup d’Egypte couché, la Lionne couchée baillant et la Jument et l’Eléphant dansant. Pour Caroline Bugatti, petite-nièce de l’artiste, le mariage entre les sculptures animalières de Rembrandt et la transparence du cristal est une façon différente de découvrir ou redécouvrir [son] oeuvre. (…) J’ai souvenir d’une vision de l’éléphant en argent qui orne le radiateur de la Royale, et qui sous une certaine lumière me renvoyait une vision presque transparente de l’oeuvre.
Rembrandt BUGATTI Sculpture Loup d’Egypte couché, 1904 2014 H. 230 x L. 700 mm Cristal moulé à cire perdue, édition numérotée et signée en 8 exemplaires © Lalique SA
Zaha HADID Vase Manifesto 2014 H. 460 mm Cristal soufflé-moulé, édition numérotée et signée © Lalique SA
Naissance : 1950, Bagdad, Irak
Décès : 2016, Miami, Floride
Profession : architecte
OEuvres présentées : vase Visio, vase Manifesto, coupe Fontana
PARCOURS
Après son enfance en Irak puis en Suisse, elle étudie les mathématiques à l’université américaine de Beyrouth
1977 : diplômée de l’Architectural Association de Londres, elle devient partenaire de l’Office for Metropolitan
Architecture
1979 : fonde Zaha Hadid Architects
Titulaire de différentes chaires dans des écoles d’architecture, d’arts appliqués et de design Auréolée de nombreuses distinctions, elle est la première et unique femme à obtenir en 2004 le Prix Pritzker, équivalent du prix Nobel en architecture.
Parmi ses réalisations : le tremplin de saut à ski d’Innsbruck en Autriche, les opéras de Canton en Chine et de Cardiff au Pays de Galles, le Centre culturel Heydar-Aliyev à Bakou, le Musée national des Arts du XXIe siècle (MAXXI) à Rome, le Dongdaemun Design Plaza à Séoul, le London Aquatics Center pour les Jeux olympiques de Londres en 2012. Plus localement, elle a créé une caserne de pompiers à Weil-am-Rhein en 1994 et le terminus du tram à Hoenheim en 2001.
INSPIRATIONS
Refusant l’ordre linéaire, son style se caractérise par une prédilection pour les entrelacs de lignes tendues et de courbes, les angles aigus, les plans superposés, qui donnent à ses créations complexité et légèreté. Son cabinet souligne : Zaha Hadid s’intéressait aux relations entre l’architecture, les paysages et la géologie, qu’elle a associés dans l’exercice de son métier avec des technologies innovantes, ce qui se traduisait souvent par des formes architecturales inattendues et dynamiques.
ZAHA HADID ET LALIQUE
Le verre et le cristal m’ont toujours séduite, affirmait Zaha Hadid. Dans ma jeunesse, je collectionnais des pièces de toutes formes, tailles et couleurs. Pour elle, Lalique était synonyme d’élégance, de lignes fluides, à la fois novatrices et atemporelles qui ne compromettent ni l’intégrité du matériau, ni la patte artisanale. Chaque pièce célèbre les propriétés uniques du cristal. Néofuturiste, le travail de Zaha Hadid se caractérise par des formes courbes et des structures allongées, des points de perspective multiples et une géométrie fragmentée ; son langage architectural est caractérisé par la formule : fluidité est la transparence. Et de souligner : grâce à la dynamique formelle d’une masse fluide, nous pouvons souligner la nature continue de chaque création et l’évolution harmonieuse du dessin. Le cristal est donc un matériau rêvé, ses qualités de réfraction permettant de jouer sur la lumière et la distorsion.Les courbes sensuelles des vases Visio et Manifesto ainsi que de la coupe Fontana reflètent l’oeuvre architecturale de Zaha Hadid ; les lignes fluides et minérales, en mouvements permanents, caractéristiques de son style, sont magnifiées par le contraste entre les finitions satinées et repolies, emblématiques des savoir-faire Lalique. A la fois contemporaines et intemporelles, ces créations sont déclinées en cristal incolore, noir et bleu nuit – couleur chère à l’architecte.
Zaha HADID Coupe Fontana 2016 H. 185 x D. 410 mm Cristal soufflé-moulé, édition numérotée et signée © Lalique SA
Mario BOTTA Vase Géo H. 325 x L. 325 x l. 150 mm 2016 Cristal soufflé-moulé satiné, édition limitée à 250 exemplaires © Lalique SA
Naissance : 1943, Mendrisio, Suisse
Profession : architecte
OEuvre présentée : vase Géo
PARCOURS
1958-1959 : apprentissage à Lugano ; dessine et conçoit son premier bâtiment
1969 : diplômé de l’Institut universitaire d’Architecture de Venise. Pendant cette période, il aura l’occasion de collaborer avec Le Corbusier et Louis I. Kahn.
1970 : crée sa propre agence à Lugano
Professeur honoraire et membre honoris causa de nombreuses universités et écoles d’architecture.Il a reçu plus de 50 prix et distinctions parmi lesquelles le Chicago Architecture Award, la Légion d’Honneur et le Premio Letterario Internazionale Alessandro Manzoni – prix d’excellence pour l’ensemble de son oeuvre. Parmi ses réalisations les plus connues : le musée d’Art moderne de San Francisco, la cathédrale d’Evry, le musée Tinguely à Bâle, le musée MART de Rovereto en Italie, la rénovation de la Scala de Milan…
INSPIRATIONS
Guidé par des préoccupations éthiques, Mario Botta considère d’une part que le plus grand nombre doit trouver un réconfort et un plaisir visuel dans ses constructions, d’autre part que celles-ci doivent respecter le milieu dans lequel elles s’inscrivent, que ce soit d’un point de vue esthétique, mais aussi environnemental. Bien qu’il se serve du verre et de l’acier, il est surtout l’homme de la pierre, de la brique et du béton. Nourri de culture italienne, l’architecte souligne également son amour pour le passé. Et d’affirmer : Les châteaux et les clochers du passé sont à l’évidence des oeuvres de l’homme. La monumentalité et la géométrie que je recherche reposent sur cette simple observation. Pour moi, ce n’est pas une question de style, mais celle de l’un des grands langages de l’architecture.
MARIO BOTTA ET LALIQUE
Architecte de renommée internationale, Mario Botta a été choisi par Silvio Denz pour édifier son chai de Château Faugère à Saint-Emilion ainsi que pour le restaurant de la Villa Lalique et la salle de réception du Château Hochberg à Wingen-sur-Moder.
En 2016, il crée également le vase Géo. Carré parfait hérissé de pyramides, au centre duquel un cercle aspire et inspire le regard, il peut être considéré comme symptomatique de la philosophie de l’architecte. Mario Botta est en effet un réinventeur des formes les plus simples, les plus évidentes : cercle, carré, rectangle et il les décline en de multiples combinaisons : Les formes primaires, la géométrie, m’aident à souligner la différence existant entre la raison et la poésie du construit et celles de la nature affirme-t-il. Le cercle, qui revêt des significations profondes en histoire de l’art, en philosophie et dans les religions, est également très présent dans son oeuvre et cristallise ici le partage de son expertise avec Lalique.
Pour qualifier sa rencontre avec le cristal, l’architecte reprend les termes du Corbusier : L’architecture est le jeu, savant, correct et magnifique des volumes sous la lumière. Si la réalisation de l’oeuvre selon la technique de la cire perdue est déjà une prouesse technique, le rendu nécessite également de nombreuses heures de travail à froid, les pyramides étant tantôt travaillées sous un angle mat tantôt sous un angle brillant, les rayons du jour se diffractant et offrant des jeux de lumière séduisants.
Mario BOTTA Vase Géo H. 400 x L. 400 x l. 170 mm 2016 Cristal moulé à cire perdue Ed. numérotée et signée en 8 exemplaires © Lalique SA
Terry RODGERS Vase Sirènes H. 320 x D. 280 mm Cristal moulé à cire perdue, platine, édition numérotée et signée en 8 exemplaires © Lalique SA
Naissance : 1947, Newark, New Jersey (Etats-Unis)
Profession : peintre
OEuvre présentée : vase Sirènes
PARCOURS
1969 : diplômé, avec félicitations, du Amherst College, Massachusetts
2005 : expose trois de ses monumentales toiles figuratives à la Biennale de Valence (Espagne)
2007 : présente des oeuvres à Art Basel
2009 : première exposition en solo : Boundaries of Desire* au Scheringa Museum of Realist Art à Spanbroek aux Pays-Bas
Depuis, son travail a fait l’objet de nombreuses publications et d’expositions, aux Etats-Unis et en Europe
* Aux frontières du désir
INSPIRATIONS/UNIVERS
Alors que ses premières peintures envisageaient souvent des relations personnelles et familiales dans des environnements extérieurs, ses toiles récentes évoquent sa vision de la vie nocturne de la jeunesse privilégiée américaine. Son intérêt pour le cinéma et la photographie, le réalisme d’un Velasquez et la déliquescence des bordels d’un Toulouse-Lautrec inspirent la création de toiles, généralement grand format, aux compositions complexes soulevant des questions sur le contraste entre le désir et l’accomplissement, l’isolement et l’espoir. Je m’inspire de ce que je vois autour de moi ; comment les gens interagissent stimule mes versions du monde. C’est l’observation de nos expressions et des variétés de notre chair, les subtilités de nos gestes et les images que nous absorbons de notre monde saturé de médias qui concentrent mon attention résume-t-il. Représentant des scènes de débauche d’alcool, de drogue et de luxure, dans lesquels les protagonistes respirent l’ennui, la solitude et le désir de contact humain, il propose un commentaire social subtil.
TERRY RODGERS ET LALIQUE
Attiré depuis longtemps par le cristal, Terry Rodgers a représenté quelques pièces emblématiques de la Maison Lalique dans ses toiles, parmi lesquelles, le fameux vase Bacchantes. Pour lui, cette matière fonctionne comme un miroir dont les reflets déformants révèlent des aspects cachés de la réalité et c’est exactement ce que je cherche à peindre. Regardez l’intérieur du vase : les expressions changeantes des visages par rapport à l’extérieur. Ce contraste est un sujet central pour moi. Sous couvert de transparence, mes oeuvres explorent l’équilibre entre l’intérieur et l’extérieur. Ainsi, élancées autour d’un vase, les Sirènes de Terry Rodgers puisent aux sources de l’imaginaire Lalique et l’éclairent sous une lumière contemporaine. Pour l’artiste, René Lalique, en créant l’iconique vase Bacchantes en 1927, entendait proposer une ode à la féminité. Mes Sirènes, en déconstruisant le mythe, pétrissent une nouvelle image de la femme. J’ai voulu que chaque visage soit différent, qu’aucune coiffure, aucune posture ne soit semblable. Car ce qui m’intéresse, c’est la femme en tant qu’individu. Et de préciser : prises dans la mythologie grecque et romaine, les histoires des disciples de Dionysos et de Bacchus illustrent une dichotomie intéressante dans notre expérience - le citoyen bien élevé envers les fêtards abandonnés ou délirants. Une grande partie de mon travail porte sur les dualités similaires - public/privé, intérieur/extérieur, culturel/émotionnel.
Anish KAPOOR Untitled 2016 H. 2200 mm Perplex, cristal moulé à cire perdue © Anish Kapoor and Lalique All Rights Reserved, DACS / ADAGP Paris 2018
Naissance : 1954, Mumbai (Bombay), Inde
Profession : plasticien (sculpteur, peintre, scénographe)
OEuvre présentée : Untitled
PARCOURS
Bénéficiant d’une éducation cosmopolite, il peint dès l’adolescence, inspiré par Pablo Picasso et Jackson Pollock.
Etudes d’ingénieur en Israël puis au Hornsey College of Art et à la Chelsea School of Art à Londres
1974 : première exposition collective (Serpentine Gallery, Londres)
1980 : première exposition personnelle (Galerie Patrice Alexandre, Paris)
2011 : invité à investir le Grand Palais à Paris dans le cadre de la manifestation Monumenta
2015 : exposition dans les Jardins du Château de Versailles Anobli par SM la Reine Elisabeth II, il a obtenu de nombreux prix et distinctions, dont le prix Turner
INSPIRATIONS
Dès ses premiers travaux, deux grands axes de réflexion animent l’artiste : la couleur et la forme pure. Evoquant une parenté avec Yves Klein, Anish Kapoor élabore un langage à partir de monochromes. En référence à son Inde natale, il utilise souvent des pigments purs. En 2016, il a déposé un brevet pour une variété de noir intense : le Vantablack. Il s’intéresse également à la relation dialectique entre le plein et le vide,affirmant : tout mon travail repose sur une découverte : créer le vide ne conduit pas au vide. Les mystérieuses cavités sombres qu’il réalise, étonnantes par leur taille et leur beauté épurée, tactiles et fascinantes en raison de la réflexion de leurs surfaces, ont permis à Anish Kapoor d’acquérir un statut d’artiste star sur la scène internationale.
ANISH KAPOOR ET LALIQUE
Jouant avec la dualité terre-ciel, matière-esprit, lumière-obscurité, visible-invisible, conscient-inconscient, mâle femelle et corps-âme, et considérant que l’art consiste à faire un ordre symbolique et poétique, Anish Kapoor explore non seulement les formes, mais également les matériaux : pierre, béton, cire, résine synthétique, acier, miroir… Comparant l’expérience artistique à une transformation alchimique et magique, l’artiste a été séduit par le cristal. Pour créer, a-t-il souvent expliqué, il faut convoquer de nouvelles formes, de nouveaux espaces, de nouvelles temporalités. Cela me semble absolument indiscutable. Pourtant, la nouveauté ne vient pas forcément de l’innovation. Elle peut venir du passé. Avec Lalique, le défi est relevé grâce à la technique de la cire perdue, que le fondateur de la Maison utilisait lui aussi pour expérimenter de nouveaux champs. Pièce d’exception créée en 2016, Untitled est une oeuvre en courbes et recourbes posée en équilibre, telle un joyau, au centre d’une majestueuse plaque de marbre ou de perplex. Elle est déclinée en cristal incolore, noir, ambre, violet et bleu nuit. On ressent dans cette création le goût de Kapoor pour les pièces monumentales, un goût qui a conduit Lalique à repousser les limites de la matière. Près de deux années d’études et de nombreux essais ont été nécessaires pour réaliser ce cristal exceptionnel par sa taille - 1,3 m de long - et son poids - 20 kg.
Damien HIRST Eternal Belief 2017 Cristal, édition à 20 exemplaires © Damien Hirst, Science Ltd and Lalique. All rights reserved, DACS/ ADAGP Paris 2018
Naissance : 1965, Bristol, Grande-Bretagne
Profession : Artiste
OEuvres présentées : Eternal Cross, Eternal Sinner, Eternal Immaculate, Eternal Belief, Eternal Sleep, Eternal
Memory, Eternal, Beauty, Eternal Hope, Eternal Love
PARCOURS
1984 : après avoir grandi à Leeds, il se rend à Londres et travaille dans le bâtiment.
1986-1989 : étudie les Beaux-Arts au Goldsmiths college. Adolescent, il a souvent visité le département d’anatomie de l’Université de Leeds, pour faire des dessins d’après nature ; le thème de la mort devient alors central dans son travail.
1988 : commissaire de l’exposition Freeze, considérée comme fondatrice pour le mouvement des Young British Artists.
1991 : une de ses premières expositions personnelles importante présente des centaines de papillons tropicaux vivants. A cette période, Hirst développe certaines de ses séries les plus emblématiques, comme les sculptures pour lesquelles des animaux sont conservés dans du formaldéhyde.
1995 : obtient le Turner Prize.
2005 et 2008 : élu personnalité la plus influente de l’art contemporain par le magazine ArtReview.
2007 : deux de ses oeuvres battent des records de vente. Il s’agit de Lullaby Spring, une armoire à pharmacie métallique contenant 6 138 pilules faites à la main et peintes individuellement, et de For the Love of God, réplique en platine du crâne d’un homme décédé au XVIIIe siècle, incrustée de 8 601 diamants.
INSPIRATIONS
Installations, sculpture, peinture, dessin… sont autant de techniques employées Damien Hirst pour explorer les relations complexes entre l’art, la vie et la mort. Et d’expliquer : Je veux juste célébrer la vie en envoyant la mort se faire foutre. Quel meilleur moyen de le lui dire que de prendre le symbole ultime de la mort et de le recouvrir par le symbole ultime du luxe, du désir et de la décadence ?
DAMIEN HIRST ET LALIQUE
J’ai toujours adoré le cristal, s’exclame Damien Hirst. Les cristaux et les minéraux sont les premiers objets que j’ai collectionnés dans mon enfance. (…) Je suis émerveillé par les jeux de lumière des cristaux : tantôt leur opacité ne révèle qu’une lueur, tantôt ils renvoient des millions de reflets scintillants tels des diamants. Interrogé sur son partenariat avec la Maison Lalique, l’artiste souligne : [Le cristal] est un matériau sublime et difficile à travailler, c’est pourquoi je trouve ce projet captivant. J’ai eu le grand privilège de bénéficier de tout le savoir-faire Lalique et de l’histoire inouïe de la manufacture pour créer quelque chose de nouveau et les résultats dépassent toutes mes espérances. Intitulée Eternal, la collection issue de la collaboration entre Damien Hirst et le cristallier a vu l’édition d’une première série de panneaux sur le thème du papillon en 2015, intitulés Eternal Hope, Eternal Love et Eternal Beauty. De nouveaux panneaux - dont Eternal Prayer et Eternal Momento - et des sculptures réalisées selon la technique de la cire perdue, sur la base des dessins et maquettes en résine de l’artiste, sont venus la compléter en 2017. Eternal Cross, Eternal Belief, Eternal Immaculate, Eternal Truth, Eternal Sinner et Eternal Sleep (…) revêtent de multiples strates de significations. Et Hirst d’expliquer : J’explore les idées et l’imagerie qui ont inspiré les civilisations les plus anciennes et qui leur font écho – et qui continuent à nous fasciner aujourd’hui. Ce sont des symboles qui représentent nos peurs universelles, nos questions et nos rêves les plus intimes.
Damien HIRST Eternal Immaculate 2017 Cristal, édition à 20 exemplaires © Damien Hirst, Science Ltd and Lalique. All rights reserved, DACS/ ADAGP Paris 2018
Le savoir-faire exceptionnel des verriers de la région est l’une des motivations premières qui ont conduit René Lalique à s’implanter dans les Vosges du Nord. Aujourd’hui encore, à Wingen-sur-Moder, près de deux cents cinquante hommes et femmes, verriers et cadres, mettent leurs tours de main et leurs connaissances au service de la création.
Le composant principal du cristal est la silice. Provenant des Pays-Bas, elle est choisie en fonction de sa pureté et de sa granulométrie qui, chez Lalique, doit être inférieure à 300 microns. Afin d’abaisser le point de fusion de la silice qui, lorsqu’elle est pure, est à 1800°, des fondants sont ajoutés, en particulier du carbonate de soude. D’autres matières premières entrent également dans la composition, dont des stabilisants, des affinants et surtout, pour le cristal, du minium de plomb à hauteur de 24% minimum. La couleur quant à elle est obtenue par l’adjonction d’oxydes métalliques ou de terres rares, en quantités parfois infinitésimales, au mélange vitrifiable. Ainsi, l’oxyde de cobalt permet-il d’obtenir du bleu, l’oxyde de chrome du vert, l’oxyde de fer du jaune.
Dans la halle, autour du four, une véritable chorégraphie s’organise. Se perpétuant depuis des temps immémoriaux, elle est faite de feu, de tournoiements et de gestes mesurés, tantôt lents, presque immobiles, tantôt vifs et prestes. La matière en fusion prend forme. La magie du feu opère, transformant le sable en oeuvres d’art. Si la technique dite de la cire perdue est remise à l’honneur, les techniques de moulage, développées depuis les temps les plus anciens et perfectionnées par René Lalique, se voient toujours accorder une attention particulière. La manufacture réalise ses propres moules, généralement en fonte ou en acier, dont chaque détail est sculpté selon le souhait de l’artiste. Le cristal en fusion est cueilli à l’aide d’une canne, nettoyé pour éliminer petites bulles et autres éléments parasites, puis placé dans le moule. L’oeuvre est mise en forme, par soufflage – comme les vases de Zaha Hadid – ou par pressage – comme les panneaux de Damien Hirst. Elle est ensuite recuite pour stabiliser les tensions internes dues au refroidissement inégal du cristal.
A l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de René Lalique, la Maison a décidé de renouer avec la technique dite de la cire perdue afin de réaliser des pièces d’exception – pièces uniques ou de petites séries. Ce procédé confère aux oeuvres une texture unique et offre une finesse de détails inégalée.
L’artiste sculpte sa création dans son matériau de prédilection - plâtre, bois, résine, terre, bronze, argile, réalisant ainsi le prototype initial.
Des éléments techniques sont ensuite rajoutés, tels qu’une réserve, sorte d’entonnoir par où coulera la cire puis le cristal, et des évents permettant l’évacuation de l’air qui pourrait rester enfermé dans la pièce et gêner le passage du cristal. Un moule en élastomère est réalisé à partir de ce modèle.
Une cire est coulée dans ce moule, prenant la forme exacte du maître modèle. Chaque pièce produite implique la réalisation d’une cire.
La cire est placée dans une chape et couverte de plâtre réfractaire. Cet ensemble est placé dans une étuve, également appelée four de décirage. Sous l’effet de la chaleur, la cire est évacuée.
Grâce à des cabots – bâtons de cristal – positionnés dans un godet au-dessus du moule, le cristal coulera lentement dans l’empreinte. L’ensemble est refroidi dans le même four.
Le moule en plâtre est ensuite détruit pour libérer la sculpture. La pièce passe ensuite dans les ateliers de travail à froid pour les opérations de finition.
Dans les ateliers de travail à froid, les oeuvres passent une à une entre des dizaines de mains expertes. Les détails sont soulignés. La gravure ajoute de la nervosité à la pièce. Le satinage lui confère un aspect mat si caractéristique, qui rend les créations Lalique reconnaissables entre toutes. L’émaillage et le lustrage apportent une touche de couleur.
Au sortir de l’arche de recuisson, la pièce passe l’étape du choix. Ce contrôle de qualité, le premier d’une longue série, détermine si la pièce peut continuer son parcours. La taille et la retouche permettent de reprendre la surface et de corriger les imperfections laissées par le travail à chaud, tels les plis, les coutures de moule…
Le satinage est le traitement de la matière le plus caractéristique des créations Lalique. Jouant avec l’ombre et la lumière, il donne du relief aux sculptures. Il permet aussi d’obtenir des effets de matière restituant, à l’oeil comme au toucher, la rugosité d’un minéral, le duveté d’un végétal ou le satiné de la peau. L’aspect satiné est obtenu soit par matage, soit par sablage. Le matage consiste à immerger la pièce dans des bains d’acide successifs. Le décor est créé par la morsure de l’acide sur les parties découvertes tandis que les parties dites en réserve, préalablement enduites d’un vernis protecteur ou de bitume, restent claires. Lors du sablage, le cristal est attaqué par projection de matière abrasive - sable à l’origine, corindon aujourd’hui.
René Lalique bijoutier aimait à employer l’émail pour donner de la couleur à ses créations. Verrier, il a continué à l’employer, au même titre que les patines, pour accentuer les reliefs ou rehausser certains détails. Aujourd’hui, l’émaillage est un procédé toujours mis en oeuvre par l’atelier de décoration, aux côtés de l’application d’or ou de platine ainsi que du lustrage. Les premiers sont appliqués au pinceau ou par tamponnage ; le dernier par pulvérisation. La pièce doit ensuite être recuite à 500°C environ. Toute la difficulté de la technique réside dans cette étape de recuisson qui implique des risques de déformation, le point de ramollissement du cristal étant de 470° C.
Au cours de sa fabrication, une pièce est contrôlée au moins une dizaine de fois et peut être éliminée pour un défaut parfois difficile à détecter. Seules celles satisfaisant à tous les critères de choix reçoivent la signature Lalique France, gage d’authenticité et de qualité.
UNE EXPOSITION UN LIEU LE MUSÉE LALIQUE
PRÉSENTATION
Créé dans le village alsacien où René Lalique a implanté sa verrerie en 1921, le musée permet de découvrir la création Lalique dans toute sa diversité, dans un écrin architectural aménagé par Wilmotte. Bijoux, dessins, flacons de parfums, objets issus des arts de la table, lustres, bouchons de radiateur, statuettes ou encore vases... Le musée Lalique présente plus de 650 oeuvres créées par René Lalique et ses successeurs. De la joaillerie au cristal actuel en passant par le verre, c’est un univers de lumière et de transparence qui est présenté. Par des photographies grand format et des vidéos, le visiteur est transporté dans d’autres ambiances : foisonnante pour l’Exposition universelle de 1900, apaisante pour les chapelles décorées par René Lalique ou encore magique avec le ballet des verriers de la manufacture.
Nom de l’exposition : Prisme - Quand le cristal Lalique rencontre l’art contemporain
Dates : du 27 avril au 4 novembre 2018
Lieu : Musée Lalique - Wingen-sur-Moder (67)
Tarif : entrée payante
Nombre d’artistes exposés : 7
Nombre de pièces présentées : 39
Commissaire de l’exposition : Véronique Brumm
Scénographie : Alexandre Fruh - Atelier Caravane
Lorsqu’elles ont initié le projet du musée Lalique, les collectivités territoriales avaient bien entendu à coeur de mettre en valeur un artiste d’exception, René Lalique, mais également une industrie d’art toujours en activité à Wingen-sur-Moder. En tant qu’institution muséale, nous avons bien sûr vocation à préserver et mettre en valeur un patrimoine. Mais Malraux ne considérait-il pas que l’avenir est un présent que nous offre le passé ? Avec Prisme, je suis donc particulièrement fier de montrer que cet ancrage patrimonial offre des perspectives audacieuses et stimulantes !
Laurent Burckel
Président du musée Lalique
Conseiller régional
En 2008, je rachetais la Maison Lalique avec la volonté de lui ré-insuffler l’énergie créatrice de René Lalique. C’est dans cette optique que j’ai lancé Lalique Art. Mon ambition était de mettre le savoir-faire unique, de l’une des plus grandes cristalleries Françaises, au service de grands artistes et designers contemporains. Dix ans plus tard, je suis fier que le Musée Lalique collabore avec Lalique Art pour présenter ces oeuvres rares et extraordinaires en cristal. Avec ces éditions d’art exceptionnelles, c’est l’histoire même de la Maison Lalique qui perdure et se réinvente.
Silvio Denz
Président directeur général
Lalique SA
Venir au musée sans voiture : arrêt à la gare de Wingen-sur-Moder (ligne Strasbourg-Sarreguemines-
Sarrebruck) puis 20 minutes à pied
SE RENSEIGNER
Musée Lalique
Tél. +33 (0)3 88 89 08 14
info@musee-lalique.com
www.musee-lalique.com
HORAIRES D’OUVERTURE DU MUSÉE PENDANT L’EXPOSITION
L’exposition temporaire est visible aux heures d’ouverture du musée.
Du 1er avril au 30 septembre : tous les jours de 10h à 19h sans interruption
Octobre et novembre : du mardi au dimanche de 10h à 18h
TARIFS INDIVIDUELS
Musée ou exposition temporaire :
Plein tarif : 6€
Tarif réduit : 3€
Pass famille : 14€ (1 à 2 adultes et de 1 à 5 enfants de moins de 18 ans)
Gratuit moins de 6 ans
Billet couplé musée + exposition temporaire :
Plein tarif : 9€
Tarif réduit : 4,5€
Pass famille : 21€ (1 à 2 adultes et de 1 à 5 enfants de moins de 18 ans)
Gratuit moins de 6 ans