FRICHE DE L'ESCALETTE SAISON 2019
Du 1er juillet au 30 septembre 2019
PARC DE SCULPTURE ET D'ARCHITECTURE LEGERE
Eric et Elliot Touchaleaume ouvrent à la visite la Friche de l’Escalette, située à l’orée du Parc National des Calanques de Marseille, où ils présentent pour la quatrième saison consécutive une exposition d’architectures légères et d’oeuvres d’artistes modernes et/ou contemporains.
Restaurer un édifice n’est pas seulement l’entretenir, le réparer, le repeindre (…) Le meilleur moyen de le préserver c’est de lui trouver un emploi.
Un patrimoine industriel remarquable
Cette année, un parcours plus étendu permettra aux amateurs de patrimoine industriel de découvrir des zones jusqu’alors inaccessibles à la visite de ces vestiges d’une usine de traitement de minerai de plomb active de 1851 à 1925. Ces colonnades, bassins et murs cyclopéens, envahis par la végétation constituent un ensemble architectural d’une ampleur impressionnante et d’une grande poésie que ses propriétaires s’emploient à restaurer et faire vivre avec passion et ténacité.
Extérieur 2 -Bungalow du Cameroun, Jean Prouvé & Atelier LWD © C. BARAJA – E. TOUCHALEAUME. ARCHIVES GALERIE 54
Transmissions
En résonance avec l’esprit des lieux, Myriam
Mihindou présente Transmissions.
Un ensemble de cannes en grès chamotté à la peau rugueuse et aux teintes sourdes sont suspendues par des cordes de chanvre aux branches d’un pin torturé par le vent, évoquant ces arbres sacrés couverts d’ex-voto et d’offrandes dédiés en Inde aux divinités de la nature.
Dans le cadre de cette friche, riche de la mémoire de son activité passée, cette oeuvre chargée de sens trouve tout naturellement sa place.
Réalisée en 2018 pour la Chapelle Picasso de Vallauris, Transmissions démontre avec éclat l’aptitude du travail de Myriam Mihindou à s’adapter d’un lieu de mémoire à l’autre.
Cette exposition est réalisée avec l’amicale collaboration de la Galerie Maïa Muller, représentant l’artiste en France.
6 Transmissions, Myriam Mihindou, grès chamotté et cordes de chanvre, 2018 COURTESY GALERIE MAÏA MULLER © C. BARAJA – E. TOUCHALEAUME. ARCHIVES GALERIE 54 PARIS 2019
Myriam Mihindou
La vie et l’oeuvre de Myriam Mihindou sont indissociables. D’origine gabonaise, née d’un père africain et d’une mère française et artiste nomade, son oeuvre conte des histoires métissées et reflète des identités multiples. Dans ses oeuvres Myriam Mihindou interroge le statut de la femme, questionne l’exil, les frontières, réveille la mémoire, collective et personnelle.
« Nomade, elle s’approprie les espaces, les incarne, nous donnant à voir des états de passage, initiatiques, cathartiques. » écrit Youna Ouali. Quels que soient les médiums utilisés, Myriam Mihindou convoque et invoque le corps.
L’artiste a participé à de nombreuses manifestations notamment la Biennale de Venise en 2017, avec une performance marquante intitulée La Curée.
LA FRICHE DE L’ESCALETTE, PASSé
L’INDUSTRIE DU PLOMB DANS LES BOUCHES-DU-RHÔNE AU XIXE SIÈCLE
À partir de 1850, le commerce des métaux connaît une grande expansion à Marseille. De tout le bassin méditerranéen occidental parviennent dans le port de Marseille les produits d’exploitations minières. Huit usines sont regroupées aux environs de Marseille et sur différents points du littoral dont celle de l’Escalette créée en 1851.
Outre le plomb, il sortait de ces usines des lingots d’argent au titrage élevé.
L’implantation d’usines dans ce quartier excentré de Marseille doit son explication à la nature même de la production qui nécessitait un accès direct à la mer, conjugué à l’avantage de la direction du vent dominant, le mistral, chassant les pollutions loin de la ville.
Cependant, le faible tirant d’eau et l’étroitesse de la calanque de l’Escalette ne permettaient pas l’accès aux navires de gros tonnage, qui devaient ainsi décharger leur cargaison au port de Marseille, celle-ci étant ensuite transbordée sur de petits caboteurs.
Nous pouvons imaginer le flux continu d’acheminement du minerai par la voie nord du site, entre les quais de déchargement de ce port minuscule et les vastes bassins de stockage en partie haute de l’usine.
Les rares photographies d’époque témoignent des équipements et de la mécanisation des modes d’acheminement : rampes d’accès, tunnels, grues et palans, wagonnets circulant sur un réseau de rails, téléphérique à godets. Le tout tracté par la force animale tout d’abord, puis par la machine à vapeur.
L’usine de l’Escalette cesse son activité en 1925.
LA FRICHE DE L’ESCALETTE,
PRESENT & FUTUR
PRÉSERVER CE PATRIMOINE ARCHITECTURAL INDUSTRIEL REMARQUABLE
Ce site se distingue par sa spécificité topographique, son architecture, son ancienneté, son état de conservation et sa localisation au Sud de la France, traditionnellement moins industrialisé que le Nord et l’Est. La friche de l’usine à plomb de l’Escalette constitue un double témoignage encore lisible, d’une part de ce type d’industrie métallurgique, et d’autre part de l’intense activité industrielle qui colonisa le littoral Sud de Marseille au XIXème siècle, entre la Madrague de Montredon et Callelongue.
Les bâtisseurs - anonymes à ce jour - de cette usine, ont tiré un parti remarquable de la topographie des lieux pour y adapter les différentes phases de l’activité, il en résulte des aménagements uniques conçus sur mesure.
Très rares sont les sites industriels fondés au milieu du XIXème siècle qui n’ont pas été totalement transformés à plusieurs reprises. Malgré l’état de ruine des installations, le processus de fonctionnement de l’usine est tout à fait compréhensible, même pour un public néophyte.
PRÉSERVER LA VÉGÉTATION TRÈS SPÉCIFIQUE PROSPÉRANT SUR LES RUINES
Suivant une véritable procédure archéologique, les ruines seront intégralement conservées, consolidées et pérennisées en l’état. La réhabilitation et l’aménagement d’un tel site se doivent d’être d’une humilité exemplaire, proscrivant toute intervention brutale. Le sentiment que l’on éprouve à se promener dans ces ruines romantiques et mystérieuses devant absolument être préservé. À cette fin, malgré les contraintes que cela impose, et à l’encontre de tout usage en matière de maçonnerie et d’architecture, la végétation colonisant les murailles sera conservée au maximum, du moins les sujets remarquables.
Le fascinant processus de colonisation du bâti par la végétation pourra donc être observé, comme sur certains temples d’Angkor Vat. La pose de renforts et agrafes métalliques, réalisée dans les règles de l’art, viendra conforter les ouvrages fragilisés par la poussée des racines.
LES AMBITIONS DU PROJET DE RÉAMÉNAGEMENT DE LA FRICHE DE L’ESCALETTE EN ESPACE CULTUREL
EXPOSITIONS D’ARCHITECTURES
LÉGÈRES
L’exposition d’architectures légères de collection, préfabriquées et démontables, est une spécificité peu commune que développe la Friche de l’Escalette en partenariat avec la Galerie 54 animée par Eric Touchaleaume, spécialiste de l’oeuvre de Jean Prouvé.
A chaque saison estivale depuis son ouverture au public en 2016, des architectures de collection sont exposées :
Été 2016 - Prototype Habitat Tropical du Cameroun de Jean Prouvé.
Été 2017 - Utopie plastique, avec la Maison Futuro de Matti Suuronen, la Maison Bulle de Maneval, les Hexacubes de Candilis.
Été 2018 - Jean Prouvé Nord-Sud... éloge de la simplicité avec le Pavillon 6x9 et le bungalow standard du Cameroun de Jean Prouvé & Atelier LWD.
Été 2019 - Jean Prouvé à vivre présente les mêmes architectures qu’en 2018, dotées d’un aménagement intérieur aux normes de confort actuel.
PARCOURS DE SCULPTURES
Des sculptures et installations, sélectionnées pour leur sensibilité relationnelle avec l’architecture, la nature ou le site, sont également mises en situation chaque été sur la friche.
À terme c’est un véritable parcours de sculpture permanent qui habitera la friche.
Été 2016 - Touching the sky installation de Marjolaine Dégremont et Fragments parcours sculptural de Vincent Scali.
Été 2017 - Pavillon Sculptur II de Max Bill.
Été 2018 - Sculptures de Parvine Curie, Stahly, Lardeur, Haber et Coulentianos.
Été 2019 - Transmissions installation de Myriam Mihindou.
C’est ainsi que la Friche de l’Escalette s’inscrit doucement dans le paysage culturel estival marseillais, permettant à un large public la découverte d’un patrimoine industriel remarquable conjuguée avec la visite d’une exposition d’architectures légères et de sculptures.
Ce projet ayant pour cadre un site très protégé et grevé de lourdes contraintes, partie intégrante du Parc National des Calanques de Marseille, est une initiative privée, qui bien qu’ambitieuse se veut à la fois résolument modeste et simple, afin de conserver à la friche sa dimension poétique et de cultiver cet esprit « de philosophie du cabanon » si cher à Jean Prouvé et à ses compagnons de route, Charlotte Perriand, Pierre Jeanneret, Le Corbusier... comme aux Marseillais. La pleine réalisation de ce projet, dont un public averti pourra suivre l’évolution à chaque saison estivale demandera de longues années
JEAN PROUVÉ
PAVILLON 6x9 & BUNGALOW DU CAMEROUN
12 PAVILLON DE LORRAINE 6X9
JEAN PROUVÉ, FABRICATION ATELIERS JEAN PROUVÉ, MAXÉVILLE, 1944-1945
Hauteur au faîtage 2,90 m. Encombrement au sol 6 x 9 m.
Modèle de maison commandé à la Libération aux Ateliers Jean Prouvé, par Raoul Dautry, ministre de la reconstruction, pour reloger les habitants de Lorraine sinistrés par les bombardements. Réalisés à quelques centaines d’exemplaires, en plusieurs formats, dont une vingtaine a survécu.
« Il faut des maisons usinées.
(...) Les maisons préfabriquées, c’est le grand dada actuel. Pourquoi usinée? Parce qu’il s’agit plus seulement de fabriquer un ou plusieurs petits éléments d’une maison destinée à être assemblée, mais que tous les éléments correspondent à ceux d’une machine que l’on monte entièrement mécaniquement, sans qu’il soit nécessaire de fabriquer quoi que ce soit sur le chantier. Les matières qui constituent les éléments peuvent être extrêmement variées, aller du bois à l’acier (...) J’étais assez partisan de la construction mixte; on obtient par l’acier la précision, une certaine solidité, de la rigidité, et le bois entre dans la construction comme pellicule de la maison (...) Il faut montrer au public que la maison usinée est une maison confortable, et vaincre la routine ».
Jean Prouvé, Il faut des maisons usinées, 1946
BUNGALOW DU CAMEROUN
MODÈLE STANDARD À MODULE SIMPLE
JEAN PROUVÉ & ATELIER D’ARCHITECTURE LWD, 1958-1964
Périphérie cellule habitation délimitée par les quatre poteaux porteurs 8,75 x 8,75 m. Périphérie terrasse 13,41 x 12,85 m.
Hauteur sous faux plafond cellule habitation 2,93 m.
Hauteur au faîtage 3,61 m.
Les façades en aluminium de Jean Prouvé - habillant le prototype comme les modèles standards - constituent le « morceau de bravoure » de ces structures et leur confèrent une esthétique extraordinaire, tant vues de l’extérieur que de l’intérieur.
Jean Prouvé conçoit en 1958 un prototype unique d’Habitat Tropical en zone humide, à charpente métallique, réalisé par les Constructions Jean Prouvé et par la société Travaux d’Afrique. C’est ce prototype qui a été exposé en 2016 à la Friche de l’Escalette. Fruit de la collaboration entre Jean Prouvé, ingénieur conseil, et l’Atelier d’architecture LWD (Lagneau, Weill & Dimitrijevic), il concrétise les recherches prospectives d’un système d’habitat industrialisé pour les pays tropicaux et en particulier pour l’Afrique Noire.
« Ce prototype (ainsi que les modèles de série) témoignent de la qualité plastique des parois standard en aluminium, tant par la géométrie répétitive de leurs ondes, que pour la lumière filtrée qu’elles procurent à l’intérieur de l’habitat. »
Joseph Abram, Jean Prouvé, la poétique de l’objet technique, 2004
Extérieur 1 -Bungalow du Cameroun, Jean Prouvé & Atelier LWD © C. BARAJA – E. TOUCHALEAUME. ARCHIVES GALERIE 54
À la différence des Maisons Tropicales de Jean Prouvé (1949-1950), le procédé étudié ici ne visait pas l’industrialisation complète de la construction, mais la production en série de trois éléments métalliques standards, associés au bois et au ciment produits localement.
Ces éléments standards consistent en un bac de toiture et une onde de façade en aluminium ainsi qu’un poteau porteur en tôle d’acier.
Il s’agissait de créer les conditions d’une synthèse des techniques artisanales et modernes.
La recherche de la mise en valeur des ressources naturelles du Cameroun a orienté les architectes vers l’utilisation du bois tropical de diverses essences (okan, sapelli, sipo) – largement utilisé pour les modèles de série - et de l’aluminium, dont le Cameroun est toujours un important producteur grâce à l’usine Alucam, ancienne filiale de Péchiney-Aluminium Français située à Edéa, fournisseur des bacs de toiture.
Après simplification du prototype et abandon de la charpente métallique trop onéreuse au profit d’une charpente en bois de fabrication locale, ces recherches aboutiront en 1964 à la réalisation d’un programme de classes et logements d’instituteurs, lancé au Cameroun sur concours international du fonds européen.
C’est l’un de ces rares bungalows d’habitation pour instituteur, à module simple, (car il existe également des bâtiments à deux modules) rescapé de la destruction par les termites, le climat et le manque d’entretien... que nous exposons pour la deuxième année consécutive à la Friche de l’Escalette.
Cette année l’intérieur a été aménagé afin de pouvoir héberger un couple dans les conditions de confort actuel tout en respectant l’esprit des années 1950/60.
Intérieur 4 - Bungalow du Cameroun, Jean Prouvé & Atelier LWD © C. BARAJA – E. TOUCHALEAUME. ARCHIVES GALERIE 54
TRANSMISSIONS
DE MYRIAM MIHINDOU
Myriam Mihindou place son corps au coeur d’une pratique artistique protéiforme. De la performance à la sculpture en passant par le dessin ou la vidéo, le corps est l’outil, l’élément qui connecte, qui communique, qui transmet. Elle entretient une relation forte avec le Vivant qu’elle nomme « le grand corps » : celui de la nature, des êtres vivants compris comme un tout, un corps pluriel libéré des contraintes de hiérarchies et de dominations. La terre, l’eau, le fil, les végétaux, le bois, les minéraux, le verre, le métal, la glace, le vent sont les matériaux à partir desquels l’artiste donne une traduction plastique à une relation et à une compréhension du grand corps. Alors qu’elle est en résidence à Vallauris en 2017, Myriam Mihindou s’imprègne de l’histoire du lieu, ainsi que des techniques liées aux arts de la céramique. Au fil des semaines, elle réalise des hampes modelées en grès chamotté blanc et rehaussées d’émaux colorés. Entre la liane, le tubercule, le serpent ou la lave, les hampes - suspendues à des cordes de chanvre au plafond d’une chapelle ou sur les branches d’un arbre - apparaissent comme des membres, des corps, tous différents, des organes dont les origines pourraient être plurielles. Des corps-rhizomes qui vont permettre une connexion (physique, sonore, mémorielle), d’un corps à un autre, vers un autre.
Le titre de l’oeuvre, Transmissions, convoque les connexions, visibles, invisibles, sensibles, métaphoriques, audibles ou inaudibles entre les êtres, entre les histoires. Le corps, constamment à l’oeuvre dans la pratique de Myriam Mihindou, participe d’une contamination et d’un rayonnement vis-à-vis du grand corps. La fabrication et la mise en espace (en contexte) des corps-rhizomes attestent d’une conscience névralgique d’appartenir à un ensemble, à un héritage pluriel, une mémoire collective traversée de langages, de cultures, de gestes, de mythologies, de traumatismes, de beautés, de paysages, de rituels et de traditions. Les corps-rhizomes lient les mémoires individuelles pour générer une transmission collective, un prolongement, un passage dans le temps et dans l’espace.
Julie Crenn

FRICHE DE L’ESCALETTE
Visite guidée par groupe de 15 personnes maximum
du 1er juillet au 30 septembre 2019
Réservation sur friche-escalette.com
Ouvert 7 /7 jours — 4 visites par jours
ACCÈS
Friche de l’Escalette
Route des Goudes, impasse de l’Escalette
13008 Marseille
Face au petit port de l’Escalette, portail en bois au fond de l’impasse.
Arrêt bus n°20