Charles et Paul Géniaux - La photographie, un destin
Une exposition à découvrir au musée de Bretagne aux Champs Libre à Rennes du 18 octobre 2019 au 26 avril 2020.
Introduction
Natifs de Rennes, Charles et Paul Géniaux ont exercé les métiers d’éditeur, de photographe, de journaliste, d’écrivain. Pourtant, hormis pour certains Rennais à qui ce nom de famille évoque peut-être une rue ou un complexe sportif, ils sont aujourd'hui largement méconnus.
Précurseurs dans le domaine de la photographie de reportage, les deux frères ont ainsi laissé un important fonds photographique. Leur production, conservée au musée de Bretagne, dans la famille et dans différents musées nationaux (Musée d'Orsay, MuCEM, Musée Carnavalet, Musée des Arts Décoratifs) est rassemblée ici pour la première fois. L'exposition intègre des images inédites et une diversité de supports :
- des négatifs sur verre ou sur film,
- des tirages originaux réalisés de leur vivant,
- des tirages contemporains,
- un film documentaire du réalisateur Hubert Budor créé à partir des archives familiales.
Grands voyageurs, les frères nous emmènent, par l’image, de la Bretagne à la Provence en passant par Paris, jusqu’en Tunisie et au Maroc, entre les années 1890 et 1920. La scénographie est réalisée par Raphaël Aubrun et le graphisme par Les Designers graphiques.
Deux frères en photographie
Charles (1870-1931) et Paul Géniaux (1873-1929) naissent dans une famille bourgeoise, cultivée et relativement fortunée. Leur père est médecin militaire, ses impératifs professionnels conduisent toute la famille à déménager régulièrement. Leur goût de l’ailleurs prend naissance dans cette enfance voyageuse : de Rennes à la Corse, en passant par l’Algérie, leurs futurs regards de photographe s’aiguisent sous des ciels bien différents. Charles, l’aîné entraîne Paul son cadet, ainsi que ses soeurs, dans des créations de natures diverses toujours empreintes de fantaisie et d’imagination : de scénettes théâtrales en journaux improvisés se tissent des liens qui perdureront toute la vie.
C’est en Algérie (1884-1886) que Charles s’initie à la photographie. De retour à Rennes en 1886, il participe à la création de la Société photographique de Rennes, puis fonde avec Paul une première revue, Bretagne Revue, dans laquelle ils publient leurs photographies. Après une tentative échouée d’association à Paris (1898) où ils reprennent le studio d’un confrère, les deux frères creusent chacun, dans des voies différentes, leur sillon : Paul se fait photographe reporter, alors que Charles se lance dans le journalisme et l’écriture littéraire, sans abandonner pour autant la photographie. Ils restent toutefois intimement très proches et collaborent encore à l'occasion pour des reportages : leurs photographies attestent toujours d'un travail commun sur diverses commandes qu'ils signent "Les frères Géniaux" et provoquent de ce fait des difficultés d’identification.
Paul Géniaux à Paris
Paul quitte Rennes pour Paris en 1896 et se lance dans le reportage photographique destiné à la presse. Il vend ses photographies bretonnes qui sont publiées dans différentes revues et sous forme de cartes postales. Les thèmes abordés en Bretagne composent un fil conducteur qui marque son travail parisien jusqu’aux années 1910 : les petits métiers de la rue, les scènes de foire et de marché, l’intense circulation des rues parisiennes le conduisent à réaliser des reportages fournis et détaillés. Il réalise aussi des séries de photographies consacrées au monde ouvrier et plus spécifiquement aux activités féminines : ouvrières des usines de tabac, des usines d’allumettes, de bonbons, ouvrières en perles, couturières du syndicat de l’aiguille sont photographiées en plein labeur. Il s’oriente dès 1913 vers la photographie de mode, spécifiquement la mode aux champs de courses, lieux où s’exhibent les modèles des grands couturiers. Il exerce comme photographe de mode jusqu’à la fin de sa vie, ses photographies sont régulièrement publiées ; après son décès son fonds est racheté par un autre photographe qui fera rapidement faillite.
La Bretagne, source d'inspiration
Pour Charles et Paul Géniaux, la Bretagne est associée à leur enfance et au temps des vacances. Leur famille maternelle, originaire du Morbihan, y possède plusieurs propriétés. Les séjours entre Muzillac, Billiers et Rochefort-en-Terre sont fréquents et facilitent une véritable connaissance du territoire et de ses habitants. Le corpus d’images bretonnes connues concerne une période assez brève qui débute autour de 1890 et s’achève vers 1906. Les premiers travaux photographiques professionnels de Charles et Paul s’inspirent uniquement de la région. L’attribution des clichés à l’un ou à l’autre des deux frères est complexe, impossible parfois, tant les sujets sont communs. L’architecture religieuse des églises et des calvaires les inspire et de manière générale, la ruralité contrairement à la ville semble davantage les intéresser. À Muzillac, ils fréquentent des familles de paysans et photographient le quotidien, l’habitat, les fêtes, les coutumes. Dès leurs débuts en Bretagne, deux grandes thématiques de leur activité de photographe émergent : les scènes de la vie quotidienne d’une part, l’architecture et les paysages d’autre part. Ils privilégient une retranscription fidèle dans les portraits et reportages qu'ils réalisent, en présentant par exemple les différentes étapes d’un métier pour en restituer l’authenticité. Ce principe du rôle illustratif de l’image est un élément récurrent dans leurs travaux. Charles et Paul Géniaux adoptent ainsi une posture d’observateur sans pour autant rechercher une totale objectivité. Les paysages, particulièrement présents dans les scènes rurales, témoignent d'une approche esthétique, presque picturale de leurs photographies.
Charles Géniaux et les voyages
Vers 1904, Charles s’éloigne peu à peu de la photographie et de la Bretagne pour séjourner en Provence. Il entreprend, avec son épouse, de nombreux déplacements en France dans le Tarn, le Languedoc et la Corse. Ils feront par la suite de longs séjours en Afrique du Nord, notamment en Tunisie. Passionné par les paysages méditerranéens et ses habitants, Charles Géniaux écrira dans la préface d’une réédition de son roman L’Océan (1928) : « La terre de Bretagne ne m’est apparue aussi poignante que parce que mes yeux restaient éblouis par la lumineuse Algérie ». En 1906, Charles, qui a su acquérir une certaine reconnaissance
grâce à ses écrits journalistiques, est mandaté par le Ministère des Affaires Étrangères afin d'effectuer une enquête en Tunisie sur les centres de colonisation. Il documente son séjour en prenant, selon ses dires, quelque cinq cents clichés. Il se montre alors particulièrement engagé dans ses récits. Admirateur de la capitale tunisienne, il n’en reste pas moins critique vis-à-vis de la situation qui y règne et apporte son soutien à différents intellectuels tunisiens indépendantistes. À la fois proche du pouvoir colonial, puisque directement mandaté par les autorités françaises et proche des indépendantistes locaux, il témoigne alors de la complexité du contexte colonial. En 1909, Charles se rend au Maroc pour travailler sur un numéro spécial du Figaro illustré. Il parcourt plusieurs villes et une partie du Sahara où il photographie la vie locale et les paysages désertiques. Son intérêt pour les questions coloniales ne le dispense pas de teinter parfois ses récits de descriptions colorées et pittoresques. Empreint d’un certain « orientalisme », Charles favorise cependant des clichés qui restent dénués d’artifices grossiers, préférant plutôt une retranscription fidèle de la réalité.
L’enjeu de la postérité
Alors que les frères Géniaux ont fait oeuvre de mémoire en photographiant les petits métiers bretons, tunisiens ou parisiens, dont ils ont perçu avec clairvoyance la fragilité, eux-mêmes sont tombés dans un relatif oubli. Pourtant, ils ont reçu de leur vivant une reconnaissance de leurs pairs pour leurs photographies, de même nature et de même qualité que celles d'autres photographes encore connus aujourd'hui. À la mort de Charles, ses photographies font l'objet d'un don au musée des Arts et traditions populaires (MuCEM), de la part de son épouse, tandis que le fonds photographique de Paul Géniaux a été racheté à son décès par un confrère, Abélard-Fernand Moisson, puis dispersé après la faillite de ce dernier. Une partie de ses photographies ont été localisées par le musée de Bretagne et renseignées presque 100 ans après avoir été éditées.
Programmation culturelle
SAMEDI 16 NOVEMBRE À 17H
Point de vue de Sklerijenn Havouis sur l'oeuvre des Frères Géniaux.
Sklerijenn Havouis, responsable pédagogique de l'Institut Supérieur des Arts Appliqués de Rennes, propose
son éclairage sur l'exposition temporaire Charles et Paul Géniaux, la photographie, un destin.
DIMANCHE 17 NOVEMBRE À 16H
Instants saisis un documentaire d'Emma Farinas sur l'oeuvre photographique d'Eugène Trutat, en présence de la réalisatrice Eugène Trutat, photographe amateur, est le premier directeur du muséum d’Histoire naturelle de Toulouse. Il expérimente la photographie comme outil de sa frénésie conservatrice… et nous a minutieusement transmis près de 20 000 clichés.
JEUDI 28 NOVEMBRE À 18H30
Café-histoire sur les débuts de la photographie de mode dans la presse par Linda Garcia d’Ornano
Auteure d'un mémoire de maîtrise d’histoire de l’art de l'école du Louvre sur Le photoreportage de mode à Paris dans les années 1920 à travers le fonds photographique Paul Géniaux conservé au musée des Arts décoratifs, Linda Garcia d’Ornano vient partager sa connaissance des débuts de la photographie de mode dans la presse.
UNE PUBLICATION RICHEMENT ILLUSTRÉE
En complément de l'exposition, un ouvrage présente l’oeuvre des frères Géniaux, à ce jour quasiment inédite. Il donne une vue la plus large possible de leur production photographique, des rivages bretons aux rues parisiennes en passant par les déserts d'Afrique du Nord. Des articles courts sont également écrits par des historiens d’art et des conservateurs du patrimoine ou des bibliothèques, spécialistes reconnus de la photographie dans ses différents aspects et membres du conseil scientifique de l’exposition. L’ouvrage se veut synthétique et accessible à tous, par le texte et l’iconographie.
Éditeur Locus Solus, 192 pages
• Nathalie Boulouch, enseignante-chercheuse en histoire de l’art contemporain et histoire de la photographie, Université Rennes 2 Haute Bretagne
• Maura Coughlin, professeure d'arts visuels à l'université de Bryant aux États-Unis
• Linda Garcia d’Ornano, chargée des actions scientifiques. Département de la médiation et des publics.
Pôle de conservation et de valorisation des archives (ECPAD, Agence d’images de la Défense)
• Lucie Goujard, enseignante-chercheuse en histoire de l’art contemporain et histoire de la photographie, Université de Grenoble-Alpes
• Annabelle Lacour, responsable des collections photographiques au musée du quai Branly – Jacques Chirac
• Jacqueline Le Nail, bibliothécaire responsable du fonds régional, du Catalogue collectif régional et du dépôt légal à la bibliothèque des Champs Libres
• Laurence Prod’homme, commissaire de l’exposition, conservatrice au musée de Bretagne
• Lorraine Zapf, chargée de recherches pour l’exposition, musée de Bretagne
Horaires d’ouverture
Du mardi au vendredi de 12h à 19h
Samedi et dimanche de 14h à 19h
Fermeture le lundi et les jours fériés
Vacances d’été : à partir de 13h du mardi au vendredi
Tarifs
6 euros (plein tarif)
4 euros (tarif réduit)
16 euros (forfait 5 personnes)
Gratuit :
- moins de 18 ans
- premier dimanche du mois